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Qu’est-ce qui pousse les étudiants vétérinaires à s’intéresser aux NAC et à la Faune Sauvage ?

Crédit photo @ verkoka - stock.adobe.com
Enfants, combien de fois avons-nous réclamé à nos parents une sortie au zoo ? Nous sommes-nous jamais lassés de regarder “Le roi lion”, même quand c’était la mille et unième fois ? C’est l’histoire de notre vie à tous je crois : notre passion pour les animaux naît en partie de nos émerveillements d’enfant. Elle naît du hoquet de surprise que l'on retient devant les documentaires au moment où la lionne saute férocement au cou du gnou. Elle naît de tous les sourires qui naissent sur nos lèvres quand on aperçoit pour la première fois un vrai tigre, Sherkan en chair et en os. Mais, lorsqu’on décide de faire de sa passion son métier, que fait-on des rêves d’enfants ? On les vit ? On les range ? Combien de jeunes étudiants fraichement arrivés à l’école disent "aimer la faune sauvage” ? Combien d’autres leur répondent que c’est un métier fermé, avec peu de débouchés, qu’il y a aussi des animaux qui ont besoin d’être soignés en France et que ce serait bien qu’ils commencent à rêver comme des adultes ? Mais essaye-t-on vraiment de comprendre les motivations de nos camarades avant de leur servir ce discours tout préparé ? Car tout le monde n’est pas touché par le "syndrome Daktari", et en réalité les étudiants qui s’intéressent aux nouveaux animaux de compagnie et à la faune sauvage ne sont pas simplement guidés par une banale envie d’exotisme. En réalité, dès qu’on leur pose la question, on se rend compte que leurs motivations sont nettement plus profondes.

Intérêt pour la faune sauvage ne rime pas forcément avec "partir sauver les lions en Tanzanie"

Contrairement à ce qu’on pense souvent de prime abord, la “Faune sauvage” ne se résume pas à la liste des pensionnaires du Zoo de Beauval. Car, si on peut être passionné par les paresseux à trois doigts, on peut aussi l’être par les chouettes hulottes et toute la faune sauvage de France. C’est notamment le cas de Claire Cailloux, étudiante en cinquième année à l’École Nationale Vétérinaire de Toulouse et présidente de l’AFSA (Agir pour la Faune Sauvage), une association qui aide aux soins et à la remise en liberté des animaux sauvages confiés à l’ENVT.

Claire est une amoureuse de la faune française, et plus particulièrement des oiseaux. Quand elle a commencé à s’engager dans l’AFSA, c’était pour apprendre à connaître les animaux qui nous entourent. Puis, elle s‘est investie de plus en plus, passant de trésorière à présidente en septembre 2021. Et depuis deux mois maintenant elle prépare une thèse sur les martinets noirs.

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L’AFSA ce sont des étudiants bénévoles qui agissent tout au long de l’année pour aider à réhabiliter les oiseaux, reptiles et petits mammifères du centre de soin toulousain. Ils s’investissent autant dans la collecte de ressources, que l’entretien des volières et le soutien au centre de soins. Pourtant, quand on les questionne, on se rend compte que ce n’est pas parce que, étudiants, ils s’engagent pour la faune sauvage qu’ils veulent en faire leur métier plus tard. Claire est la première à le dire elle-même. Son rêve c’est de faire de la mixte rurale/équine.

Et là on commence à toucher à un autre mythe : tout étudiant qui aime les NAC ou la Faune Sauvage ne rêve pas pour autant de passer sa vie à travailler dans un zoo ou une réserve. Au contraire, quand on regarde les chiffres [1], on s’aperçoit qu’être vétérinaire exclusivement pour la faune sauvage est l’une des carrières la moins envisagée une fois la dernière année d’étude atteinte. Pourtant, l’intérêt est réel et toujours grandissant, c’est le désir sous-jacent qui est tout autre. Ce que veulent la plupart des futurs vétérinaires en se rapprochant de la faune sauvage pendant leurs études c’est surtout en apprendre plus sur les animaux qui habitent leur environnement.

Prendre à cœur les questions d’écologie et de biodiversité

Le vétérinaire, comme tous les êtres vivants, fait partie d’un écosystème, avec sa flore et sa faune. Cet environnement naturel, de fait, nous ne devrions pas l’ignorer. Car quand un animal a un problème, qui mieux qu’un vétérinaire est à même de prendre soin de lui ?

On est d’accord, s’occuper d’une buse variable ce n’est pas comme hospitaliser un chat. Mais il n’empêche que quand un animal sauvage est trouvé, le premier interlocuteur c’est bien souvent le véto. Et, au final, est-ce que cela ne fait partie de notre responsabilité de vétérinaire d’être capable d’apporter notre aide non seulement à nos clients mais aussi aux animaux qui font partie de notre milieu de vie ?

C’est peut-être là que parler d’écologie prend tout son sens. Prendre soin de la faune sauvage c’est préserver la biodiversité et agir pour l’environnement. L’intérêt grandissant des étudiants ne se résume donc pas à un effet de mode initié par Disney, c’est en réalité le reflet de l’évolution de la société. Aujourd’hui, les soucis d’écologie prennent une place grandissante dans nos décisions du quotidien. Pour certains, c’est même devenu un style de vie à part entière. Alors, n’est-ce pas normal que ces problématiques-là s'immiscent également dans les considérations des futurs praticiens ?

Pour Raphaël Cogo, étudiant en dernière année à l’ENVT et ex-président de l’association Yaboumba Junior de Toulouse, c’est non seulement normal mais c’est surtout très important de sensibiliser les vétérinaires en devenir aux questions environnementales. Chaque année le club Yaboumba junior organise un symposium ouvert à tous : le symposium “Ensemble pour la biodiversité” [2] qui met en avant l’importance de la conservation des espèces, les méthodes de lutte contre les espèces invasives et tant d’autre chose encore. Pendant cette journée se succèdent des conférences menées par différents professionnels : vétérinaires pour la faune sauvage, oui, mais aussi chercheurs et épidémiologistes.

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Apporter son aide à des centres de soins, c’est ce dont m’ont parlé Claire comme Raphaël. Nombre de vétérinaires réalisent des actions bénévoles, pour la SPA par exemple, et c’est également possible avec la faune sauvage dans les centres de soins. Mais la première action que peut probablement faire un véto pour aider la faune sauvage, c’est sûrement apprendre. Le désir de Claire pour l’avenir c’est d’être capable d’apporter les premiers secours aux animaux qu’on risque de lui apporter, savoir déterminer si l’euthanasie est nécessaire ou si l’animal peut être transféré dans un centre de soins. Ça parait simple dit comme ça, mais ça ne s’invente pas, ça s’apprend. Et pour ça, le bénévolat en centre de soins est un outil fantastique.

Les rêves ne sont donc pas toujours grandioses, pour beaucoup le volontariat suffit. Tout ça n’a plus rien d’enfantin : le but n’est pas de “sauver tous les animaux”, c’est simplement de pouvoir agir à son échelle, mettre à profit ses compétences et ses connaissances, sans se prendre pour un super-héros. Ce que disait d’ailleurs très bien Raphaël :

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En sommes préserver la faune sauvage ça fait partie d’un engagement, d’une volonté de sauvegarder la biodiversité. Ça ne veut pas toujours dire travailler en zoo ou délaisser la faune autochtone pour partir travailler au Kenya, ça prouve simplement que les vétérinaires ont à cœur de s’intégrer dans leur écosystème et d’être capable d’en prendre soin au besoin.

Dans ce cas, pourquoi associe-t-on NAC et faune sauvage ? Est-ce toujours pertinent ?

Quand on parle de formation, on entend rarement parler de NAC sans faune sauvage et de faune sauvage sans NAC. Pourtant, les deux ne relèvent pas de la même chose, des mêmes patients, des mêmes pratiques. Alors pourquoi ne semblent-ils pas aller l’un sans l’autre ?

La médecine des nouveaux animaux de compagnie est une base fondamentale du soin de la faune sauvage. Voilà peut-être l’une des clés du rapprochement qu’on effectue entre les deux pratiques. Et en effet, il parait évident de dire que le gros-bec casse-noyaux est plus proche du diamant mandarin que de la chèvre saanen. Ainsi, dans l’enseignement, il n’est pas rare de voir les deux disciplines assimilées en parallèle. Rien que quand on regarde du côté des résidanats, on voit que c’est le Collège Européen en médecine zoologique qui forme à la fois les spécialistes NAC et les spécialistes en faune sauvage.

Le rapprochement est donc une question de formation, mais aussi de patientèle. Les NAC ne sont pas des animaux qu’on pourrait qualifier de classiques, contrairement aux chiens et chats. On compte même dans les NAC des animaux qui sont qualifiés de “non domestiques” par la loi [3]. Mais la comparaison s’arrête peut-être là, car soigner la faune sauvage et les NAC ce n’est pas pareil, on ne parle pas des mêmes méthodes, des mêmes outils ni du même monde, avant tout parce qu’un NAC a un propriétaire.

Dans la médecine des nouveaux animaux de compagnie, il y a toute une dimension affective, alors que l’affectif c’est bien ce qu’il faut éviter à tout prix en faune sauvage. La médecine des NAC commence d’ailleurs toujours par une discussion avec le propriétaire. S’occuper des NAC, c’est faire beaucoup de médecine préventive et pour cela il est impératif de bien identifier les conditions de détention de l’animal qu’on prend en charge. C’est aussi la possibilité de réaliser des analyses, des radios, des échographies, disposer de tout un matériel diagnostic pas forcément utilisable pour aider des animaux "sauvages" rescapés.

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Oui, même si l’exotisme des patients leur fait un gros point commun, nombre de choses séparent la médecine zoologique et la médecine NAC, et notamment les raisons qui poussent les étudiants dans cette voie.

Spécifiquement, qu’est-ce qui pousse les étudiants à soigner les nouveaux animaux de compagnie ?

Sur ce point, la médecine des NAC se rapproche peut-être plus de la canine : elle est là pour accompagner les propriétaires et prendre soin de nos petits compagnons, mais pas les “classiques”. Et c’est là tout le distinguo et toute la motivation des étudiants à travailler dans les NAC : savoir gérer différemment des animaux différents. Oui, les lapins ne sont pas des chats, or le nombre de NAC augmente d’années en années, et à nouvelle clientèle, nouveaux spécialistes.

Ce qui motive les étudiants, c’est la perspective d’offrir des soins adaptés à des espèces aussi particulières par leur anatomie, leur physiologie, etc. Des espèces très diverses qui plus est, ce qui en ajoute encore à la passion puisqu’il faut s’adapter à chaque fois. Le quotidien parait alors moins routinier et on a l’impression d’en apprendre plus, autant de côtés qui font pencher la balance bien plus que l’exotisme en lui-même.

Oui, ce qui alimente la passion des NAC c’est probablement l’idée d’offrir une palette de soins complète à des animaux si spécifiques. On parle alors de diversité, alliée à la médecine, avec une volonté de répondre aux besoins des patients et d’accompagner leurs propriétaires.


Finalement, quand on porte son regard sur la question des NAC et de la faune sauvage, c’est beaucoup de chose que l’on observe, et la première d’entre elle c’est que le métier de vétérinaire est une profession qui évolue en même temps que la société et que sa clientèle. Et face à cette mutation, les étudiants s’adaptent et cherchent à apprendre au-delà de ce que leur présente l’école. L’attrait grandissant pour les animaux moins classiques est donc au final une avancée normale et qu’on ne devrait pas tant redouter, puisque les étudiants n’aspirent pas à l’évasion mais bien à répondre aux futurs demandes du métier.

Tous mes remerciements vont à Claire Cailloux et Raphaël Cogo pour leurs témoignages recueillis par téléphone et en entretien les 28 et 29 juin 2022.

 

Flore Torsy,
Étudiante vétérinaire à l'ENVT

 

Ressources documentaires et bibliographiques :

[1] A. GUILLIER. Thèse pour le diplôme d'état de docteur vétérinaire : Motivations des étudiants vétérinaires et insertion professionnelle : analyse à partir d’enquêtes sur la promotion entrée en 2005, [En ligne]. Disponible sur : https://oatao.univ-toulouse.fr/15514/1/Guillier_15514.pdf , thèse de 2016 [Consulté le 9 juillet 2022] ;

[2] Yaboumba junior Toulouse. Tous ensemble pour la biodiversité, [En ligne]. Disponible sur https://ensemble-pr-la-biodiversite-20.webnode.fr/actualites/ [Consulté le 9 juillet 2022] ;

[3] Ministère de l’intérieur. Autorisation de détention pour les animaux de compagnie, [En ligne]. Disponible sur : https://www.demarches.interieur.gouv.fr/particuliers/faut-il-autorisation-detenir-animal-compagnie [Consulté le 9 juillet 2022].

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