Quatre ans après son inauguration, les quotas se sont étoffés jusqu’à s’aligner avec ceux du parcours préparatoire, permettant à 280 heureux·ses de rejoindre le cursus vétérinaire public. Lucas Grandvaux, étudiant en 3ème année à VetAgro Sup, est un de ceux-là. Lui et Chantal Legrand, vétérinaire et maître de conférences en management à Alfort, nous éclairent sur cette voie d’admission en plein essor.
Diversifier les profils et redensifier le maillage rural
Aux grands maux les grands remèdes. Pour pallier la pénurie de vétérinaires, le Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire travaille depuis quelques années sur son plan de renforcement des quatre ENV. Ouverture de l’école privée UniLaSalle (2022), réforme de l’accessibilité aux études vétérinaires, augmentation de l’effectif des promotions annuelles, autant de mesures visant un objectif de taille : augmenter de 75% le nombre de vétérinaires formés d'ici à 2030 [1]. S’inscrivant dans cette dynamique, le projet d’ouverture d’un concours de recrutement post BAC s’est concrétisé en 2021.
“ L’idée est évidemment qu’à terme, un nombre plus important de vétérinaires rejoignent le marché du travail. Mais ce n’est pas tout : cette voie donne aussi sa chance à de nouveaux profils, ceux et celles pour qui la classe préparatoire n’est pas envisageable. Au-delà de l’exigence que ce parcours impose et qui ne convient pas à tous·tes, certain·e·s lycéen·ne·s ne peuvent y prétendre pour d’autres raisons, géographiques ou financières par exemple ” explique Chantal Legrand. Une volonté de diversité et d’inclusivité qui, fait rare, s’affiche jusque dans l’application d’une politique de discrimination positive : à dossier scolaire égal, celle-ci offre ainsi plus de chances à un·e lycéen·ne boursier·e d’être admissible au concours.
Autre problématique brûlante, la désertification des zones rurales et l’appauvrissement du maillage territorial. Une problématique contre laquelle le gouvernement s'est positionné, eu égard aux enjeux sanitaires sous-jacents. “ On espère qu’en sélectionnant plus de profils provenant de territoires ruraux, ces derniers souhaiteront plus facilement y revenir. Cela serait d’autant plus appréciable qu’ils connaissent le milieu et en saisissent d’autant mieux ses spécificités ” expose Chantal Legrand. Un pari qui pourrait s’avérer gagnant, comme en témoigne Lucas : “ J’ai toujours voulu rester à la campagne. Après l’école, je me verrais bien avoir ma clinique, y faire de la mixte, voire de l’aviaire ”.
Un concours adapté, une première année chargée
À nouveau parcours, son concours. Depuis peu, celui-ci se déroule à distance, une démarche visant à le rendre accessible au plus grand nombre, DOM-TOM inclus. Le dossier scolaire et les spécialités scientifiques sélectionnées en première et terminale déterminent l’admissibilité. Le concours combine sept épreuves incluant des entretiens avec un examinateur et trois QCM psychotechniques permettant d’évaluer l’agilité intellectuelle, l’assertivité et la communication des candidat·e·s. À son terme, le graal pour 280 d’entre eux·elles : une intégration en A1 dans l’une des quatre ENV, pour une première année qui leur est dédiée.
D’aucuns pourraient-ils s’insurger contre une sélection d’apparence moins stricte que celle imposée en fin de classe préparatoire ? Pour Chantal Legrand, aucun débat à ce sujet : “ Certes le concours n’est pas le même - d’ailleurs comment pourrait-il l’être ? - et ces jeunes n’arrivent pas avec le même bagage. Mais c’est toute l’utilité de cette année “tampon”, très dense. L’objectif est qu’ils acquièrent les notions scientifiques et une méthodologie de travail pour qu’en 2ème année, les promotions soient le plus homogènes possible ”. Et Lucas de rajouter : “ Une de nos professeures était même enseignante en classe préparatoire ! ”, preuve à l’appui que les élèves sont à bonne école.
Avec trois ans de recul, Chantal Legrand explique : " la A1 prépare manifestement bien à la A2 puisque les ex-A1 réussissent tout comme les étudiants des autres voies ". Pas moins brillants donc, mais d’autant plus motivés : “ Tous·tes se sentent extrêmement chanceux d’avoir pu intégrer véto par ce biais. Leur motivation et leur implication en sont décuplées ”. Un état d’esprit dont Lucas se fait le relai : “ Une fois que j’ai eu ma place dans l’école je voulais montrer que je la méritais. Je me suis investi à fond pour valider ma A1 qui m’a fait beaucoup évoluer ”.
Pour lui comme pour d’autres, cette voie est donc avant tout une opportunité, saisie comme une chance supplémentaire de tutoyer leur rêve, bien loin d’une solution de facilité ou de dépit. “J'aurais pu prétendre à une classe préparatoire, mais je me suis dit que j’allais tenter ! Je ne pensais même pas l’avoir. ”. Un calcul d’autant plus gagnant qu’un assouplissement des modalités de passage du concours a récemment été instauré, assurant aux candidat·e·s non admi·e·s de conserver leurs deux tentatives d’accès aux ENV.
BAC ou non, tous·tes cap
Quand Lucas revient sur ses deux premières années écoulées à VetAgro Sup, aucune ombre ne vient ternir son enthousiasme. Au même titre que ses camarades issu·e·s d’autres filières, il partage des aspirations similaires, une routine scolaire, s’investit dans les temps forts de l’école, la gratitude chevillée au corps : “ Mes ami·e·s et moi, on s’est vraiment senti·e·s accueilli·e·s. Au passage en A2 on a vécu la semaine d’intégration comme les autres, avec nos parrains et nos marraines. Chaque élève de post BAC est aussi référent pour un A1 entrant ”.
Climat bienveillant, réelle volonté d’accompagnement, Lucas a maintenant à cœur de transmettre ces valeurs à ceux et celles qui lui succéderont. Conseillerait-il cette voie pour autant ? “ Je pense même que cela serait une erreur de ne pas la tenter " assène-t-il sans hésiter.
Si d’autres paroles mériteraient d’être entendues, le constat semble de prime abord positif. Loin de supplanter les autres voies d’accès aux ENV, la filière post BAC s’affiche comme une alternative supplémentaire, à même de répondre aux enjeux du monde vétérinaire de demain. Les générations, elles, continueront de se mélanger, la vie des écoles à bouillonner, de futur·e·s vétérinaires en herbe de germer, prêt·e·s, un jour, à aller s'installer, là où leur fibre voudra bien les porter.
Propos recueillis et mis en forme par Amandine Violé
Vétérinaire
Ressources documentaires et bibliographiques :
[1] De 2017 à 2030, donnée du Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire.
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