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La profession vétérinaire à l’épreuve de la pet-parentalité

Crédit photo @ Anna Camerac - studioanna_paris
En 2024, 75 millions d’animaux de compagnie ont trouvé leur place au sein des foyers français soit 2,5 fois plus qu’à la fin des années 70, preuve de leur importance exponentielle dans notre société. Comme un corollaire à cette réalité, une évolution des rapports propriétaire/animal s’est opérée, plus humanisée et affective qu’auparavant. C’est dans cette mouvance qu’est né le concept des pet-parents, apparu il y a une vingtaine d’années aux Etats-Unis.  

Les pet-parents, des propriétaires d’un nouveau genre, plus investis dans la santé de leurs compagnons et avec lesquels notre profession s’est vue évoluer, par ricochet. Mais dans quelle mesure leur relationnel à l’animal a-t-il impacté notre pratique ? C’est la question que nous vous avons posée.  

Le pet-parent quèsaco ? Vos avis de vétos 

Si la notion de pet-parentalité s’est récemment démocratisée, force est de constater qu’il est parfois compliqué d’en définir les contours.  C’est le culte de l’anthropomorphisme ”, “ pour moi, c'est un propriétaire qui voit son animal pas seulement comme tel mais comme un membre de sa famille ”, “ j’en vois certains qui mettent un collier différent tous les jours à leur animal, qui leur dédient un compte bancaire, tiennent un journal de bord de chacun de leurs faits et gestes, eux ce sont des pet-parents ", “ à mon sens, c’est une personne qui va répondre quotidiennement aux besoins de son animal, être à l’écoute de ses émotions et de son état de santé, tout simplement ”. À en lire vos retours, le pet-parent recouvrirait donc bien des facettes, aux limites plus ou moins excessives.  

Faute d’en faire une description absolue, sans doute trop restrictive, la pet-parentalité s’est progressivement imposée comme un phénomène sociétal à lui seul. Autrefois simples compagnons, nos animaux de compagnie jouissent aujourd’hui du statut d’êtres sensibles qui leur confère une place toute particulière au sein des foyers français. Une évolution qui s’accompagne pour leurs propriétaires d’une responsabilité supplémentaire : celle de s’assurer de leur bien-être, tant physiologique que psychologique et social.  

Animal, humain : quand la limite devient floue 

Privilégiant des rapports affectifs forts avec leur animal, les pet-parents ont ainsi petit à petit émergé jusqu’à se revendiquer comme tels, largement relayés par les réseaux sociaux. L’évolution des schémas familiaux et des mentalités explique en partie l’émergence de ces nouveaux profils : une enquête menée en 2024 par l’agence YouGov pour Ultima auprès de 1005 propriétaires, révèle en effet que plus de 75 % des 18-34 ans considèrent le fait d’avoir un animal comme un choix de vie alternatif, à l’heure où l’idée de faire des enfants ne va plus nécessairement de soi. Le dernier rapport annuel de la FACCO confirme d’ailleurs la surreprésentation des jeunes possesseurs de chiens et de chats au sein des foyers français. Rien d’étonnant donc à ce que 36 % des 25/34 ans assument de prendre soin de leur animal comme ils le feraient d’un enfant.   

Une humanisation croissante qui ne va pas sans soulever des questions d’ordre éthique sur la nature des relations que certains pet-parents entretiennent avec leur animal. Les choyer oui, mais jusqu’à quel point ? L'anthropomorphisme a ses écueils dont nous sommes les observateurs privilégiés. 

Mais qu’en est-il de notre approche médicale, de nos stratégies de communication, de notre charge mentale à leur contact ? Via un post Facebook, une quinzaine d’entre vous nous ont fourni des éléments de réponse, aussi homogènes que nuancés.  Du positif et du négatif  pour ces  clients pas comme les autres ”, avec lesquels notre métier s’apprête plus que jamais à évoluer.  

Des pets-parents très investis, trop investis 

 Ce sont des gens très motivés, demandeurs d’examens complémentaires, qui sont souvent peu réticents à être référés vers des spécialistes  témoigne l’un d’entre vous.  Ils ont un vrai désir de comprendre ce qui arrive à leurs animaux et de faire au mieux pour eux  souligne une consœur. Les pet-parents seraient-ils des alliés thérapeutiques de choix ? Sur ce point, beaucoup de vos avis sont unanimes : nombreux sont ceux qui se montrent responsables et engagés financièrement lorsque la santé de leur animal est en jeu. Une réelle opportunité d’échanger à leurs côtés et de renforcer nos approches thérapeutiques, dans l’intérêt de nos patients.  

Mais une telle implication n’est pas sans contrepartie. Motivés mais exigeants, attentifs mais prenants, les pet-parents peuvent aussi se révéler complexes à appréhender.  Ce sont des gens compliqués pour mon exercice quotidien, souvent très connectés, qui demandent beaucoup de pédagogie et de temps en consultation  rapporte un confrère. Un autre confesse :  Certains sont très chronophages et énergivores. Ce n’est pas facile à gérer quand d’autres consultations attendent, que le temps et la disponibilité psychologique nous manquent ”.  

Alors que les attentes de nos clients se sont accrues depuis quelques années, les pet-parents y ont à l’évidence apporté leur contribution. Une exigence qui s’alourdit souvent d’une intense charge émotionnelle, décuplée par certaines situations - fin de vie, protocoles d’oncologie, d’urgence - inhérentes à notre pratique.  La communication n'est pas évidente avec ceux qui ont du mal à voir les limites de ce que l’on peut faire voire de ce qui est éthiquement acceptable ”, note ainsi une collègue. Qu’en est-il de notre santé mentale dans un tel contexte ? L’une de vous tranche la question :  Je crois que cette tendance est responsable d’une partie du mal être de la profession. Il y a pleins de transferts à gérer pour lesquels on n’est pas formés ”.  


Il serait bien évidemment inexact de généraliser ce propos à tous les pet-parents qui composent nos clientèles. Incontestablement, leur considération de l’animal en fait des partenaires de choix. Toutefois, vos paroles témoignent d’une réalité qui fait peser sur notre profession de nouveaux enjeux. À l’heure où nos compétences relationnelles sont au moins autant scrutées que nos compétences techniques, apprendre à mieux décrypter leur psychologie serait-il un challenge gagnant-gagnant ? Leur satisfaction, la prise en charge de nos patients et par-dessus tout, notre bien-être professionnel en dépendent. 

 

Propos recueillis et mis en forme par Amandine Violé 
Vétérinaire

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