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Télémédecine vétérinaire : une (r)évolution numérique en santé animale pour 2025 ?

Crédit photo @Famveldman
La télémédecine vétérinaire, encore émergente il y a quelques années, s'est rapidement développée à la faveur des progrès technologiques et des besoins accrus des propriétaires d'animaux. L’épidémie de COVID-19, qui a bouleversé de nombreuses pratiques médicales, a aussi joué un rôle de catalyseur dans l’avancée de la télémédecine vétérinaire (TMV). Mais tous les pays n’en sont pas au même stade quant à l’adoption de ce type de services. En France, si les applications et services de consultation à distance se multiplient, ce domaine reste encore marqué par des questionnements, des limites réglementaires et des opportunités à saisir. Alors, à l’aube de 2025, où en est-on dans le domaine de la téléconsultation pour animaux 

La télémédecine vétérinaire : de quoi parle-t-on 

La TMV consiste à utiliser des outils numériques (téléphone, visioconférence, applications spécialisées) pour permettre la réalisation de " consultations " à distance. Elle peut inclure plusieurs formes comme du conseil (par exemple, sur la nutrition ou les soins basiques) ; une évaluation initiale (appréciation des symptômes d'un animal avant une éventuelle consultation physique si nécessaire) ; un suivi (par exemple, pour vérifier l'évolution d'un animal après une intervention ou pour évaluer la réponse à un traitement) ; ou la gestion d’urgences mineures, pour la prise en charge des situations qui ne nécessitent pas une intervention immédiate en présentiel. Cependant, la TMV ne permet généralement pas d'établir un diagnostic précis, ni de réaliser des actes médicaux ou des examens complémentaires.  

Il s’agit donc d’une forme de pratique à distance de la médecine vétérinaire faisant appel aux nouvelles technologies d'information et de communication. La TMV inclut habituellement cinq catégories d’actes :  

  1. La téléconsultation, consultation à distance en temps réel dont la mise en place relève de la seule responsabilité du vétérinaire qui doit s'assurer que l'acte de télémédecine ne compromet pas le pronostic médical de l'animal 
  2. La télésurveillance, permettant d'interpréter à distance des données numériques médicales, des indicateurs biologiques nécessaires au suivi médical d'un animal ou au suivi sanitaire permanent d'une population d'animaux 

  3. La télé-expertise, apport scientifique à distance d'un confrère ayant des connaissances spécifiques dans un domaine relevant de l'acte vétérinaire (interprétation d’images d’IRM par exemple) 

  4. La téléassistance, aide à distance dans la réalisation d'un acte vétérinaire apportée à un confrère (échographie guidée par exemple) 

  5. La télé-régulation, tri des demandes des détenteurs des animaux dans une situation supposée d'urgence en estimant la gravité de la situation et en évaluant la rapidité nécessaire de la prise en charge (notamment dans le cadre des obligations de permanence et de continuité des soins des vétérinaires en dehors des heures habituelles d'ouverture des domiciles professionnels d'exercice).  

Le test (concluant ?) de la pandémie  

En France, le cadre réglementaire de la télémédecine vétérinaire a été introduit de manière expérimentale en 2020, dans le contexte de la crise sanitaire de la Covid-19. Cette pratique, jusque-là absente de la législation vétérinaire, a été formalisée par décret [1] pour une durée limitée. Les vétérinaires (inscrits au tableau de l'Ordre des vétérinaires) qui en ont fait la demande ont donc été autorisés à réaliser des actes vétérinaires par voie de télémédecine pendant une période de 18 mois, en complément des modalités habituelles d'exercice de la médecine et de la chirurgie des animaux à la condition de s'inscrire sur la liste constituée pour l'expérimentation, tenue par les Conseils régionaux de l'Ordre. 

Les principaux objectifs de cette expérimentation étaient d’essayer de répondre aux besoins spécifiques des zones rurales et de faciliter le suivi des animaux sans multiplier les déplacements, tout en offrant une plus grande flexibilité dans l’organisation du travail des vétérinaires. Bien évidemment, un certain nombre de règles ont permis d’encadrer cette pratique, notamment 

  • les actes de TMV ne devaient pas compromettre la qualité des soins 

  • ces actes ne remplaçaient pas l'obligation de visite clinique pour la délivrance de médicaments vétérinaires 

  • Les dispositifs de visioconférence utilisés devaient garantir une qualité d’image et de son suffisante pour un examen à distance, tout en respectant la confidentialité des données échangées 

  • Les établissements proposant des actes de TMV devaient assurer une traçabilité rigoureuse des actes réalisés et un archivage sécurisé des données. 

Propriétaires d’animaux et vétérinaires ont été nombreux à être séduits par les avantages offerts par ce type de pratiques, notamment en termes de réduction du stress (les animaux n’ont pas besoin d’être déplacés pour chaque consultation), d’accessibilité (surtout pour les propriétaires vivant dans des zones rurales) et de gain de temps pour les propriétaires comme pour les vétérinaires (par exemple pour les suivis rapides de cas peu complexes). 

État des lieux : où en est-on aujourd’hui 

Dans certains pays comme les États-Unis et le Royaume-Uni, les vétérinaires peuvent offrir des consultations à distance sous certaines conditions, ce qui permet un développement plus rapide de la TMV. En France, comme dans beaucoup d'autres pays, des limites légales encadrent cette pratique pour garantir le bien-être animal et limiter le risque d’erreurs médicales. Mais depuis le 6 novembre 2021, date de fin d’effet du décret [1], aucun texte ne règlemente la TMV. Pour que cesse cette situation d’incertitude qui dure depuis plus de 3 ans, l’Ordre a demandé au ministère en charge de l’agriculture que les bases règlementaires de la télémédecine vétérinaire soient publiées au plus vite. Peut-on mettre ce délai sur le compte du défilé des différentes personnes qui se sont succédées à ce poste ces derniers mois ?? Pas sûr… ou en tout cas, pas seulement ! Alors que la règlementation qui viendrait entériner l’utilisation de la télémédecine vétérinaire continue de se faire attendre, le Conseil national de l’Ordre a indiqué qu’il n’agirait pas envers les vétérinaires pratiquant la télémédecine dans le cadre qui avait été défini par le décret n°2020-526, sur la base des conclusions favorables à l’autorisation de la TMV du rapport émis à la suite de l’expérimentation. Cependant, si une plainte devait être portée contre un vétérinaire pour la pratique de la télémédecine, c’est à droit constant que cela serait jugé, sans compter les risques concernant la RCP du vétérinaire concerné. 

Plusieurs entreprises et start-ups se sont néanmoins positionnées sur ce marché prometteur. Ces plateformes se distinguent souvent par des fonctionnalités avancées, comme le stockage des dossiers médicaux, des conseils personnalisés ou des rappels de vaccination. 

Défis et limites de la TMV 

Comme toutes les nouveautés, la TMV se heurte à un certain nombre de limites dont la plus évidente est celle du cadre légal. La TMV pose un certain nombre de questions légales et éthiques qui n’ont pas encore trouvé de réponse pour aboutir à l’adoption d’une nouvelle loi autorisant son utilisation. Le cadre réglementaire reste une barrière dans de nombreux pays. En France, un vétérinaire doit encore aujourd’hui examiner physiquement un animal pour poser un diagnostic ou prescrire des médicaments. Cette exigence, bien que justifiée par la nécessité d'éviter les erreurs, freine l’expansion de la téléconsultation. 

D’un point de vue médical, il existe aussi des limites. En effet, l'absence d'examen physique limite la capacité à détecter certains problèmes. Si un vétérinaire ne peut pas palper l'animal ou effectuer les examens complémentaires (prises de sang, radiographies) qui lui paraissent pertinents, cela peut entraîner un risque de sous-diagnostic ou de sur-diagnostic. Il ne faut pas négliger non plus les aspects pratiques, qui peuvent parfois représenter un frein, tous les vétérinaires n’étant pas familiers avec les outils numériques ou à l’aise dans le cadre de consultations en ligne. Cela peut nécessiter une formation spécifique pour développer les compétences techniques et communicationnelles nécessaires. Enfin, comme pour eux, certains propriétaires restent réticents à payer pour une téléconsultation avec un vétérinaire pour leur animal, craignant qu’elle soit moins efficace qu’une consultation sur place.  

Quelles perspectives pour les années à venir 

L’assouplissement des règles pourrait permettre l’adoption de la TMV, comme c'est déjà le cas aux États-Unis. Cela impliquerait de trouver un équilibre entre sécurité des soins et flexibilité pour les praticiens et les propriétaires. La téléconsultation pourrait s’intégrer dans un modèle hybride combinant (intelligemment !) consultations physiques et numériques.  La téléconsultation pourrait être particulièrement utile dans le secteur agricole, où le déplacement des vétérinaires vers les exploitations représente un coût et un défi logistique important. Des solutions comme l'envoi de données biométriques (température, rythme cardiaque...) en temps réel pourraient révolutionner les pratiques. La TMV pourrait aussi inclure des consultations entre vétérinaires pour demander des secondes opinions ou bénéficier de l’expertise de spécialistes, favorisant ainsi une meilleure prise en charge des cas complexes. Et comme c’est un sujet d’actualité (non ça n’est pas ChatGPT qui a écrit cet article), les outils d'IA pourraient venir compléter efficacement la téléconsultation en analysant des photos, vidéos ou symptômes signalés par les propriétaires. Par exemple, des algorithmes pourraient détecter des anomalies physiques (plaies, lésions...) ou évaluer la gravité d’un état clinique. 


La TMV est sans doute l’une des réponses aux évolutions sociétales et technologiques, mais son développement reste conditionné par plusieurs facteurs. Si elle ne peut (et ne doit !) pas remplacer la consultation physique, elle offre des solutions complémentaires pour améliorer l'accès aux soins et la qualité des suivis. Les prochaines années seront décisives pour définir son cadre légal, ses usages et ses limites, mais une chose est certaine : la télémédecine vétérinaire est appelée à jouer un rôle croissant en santé animale. Reste à savoir si les vétérinaires, les propriétaires et les institutions sauront s’adapter rapidement pour en tirer le meilleur parti. 

 

Annabelle Orszag,
Vétérinaire

 

Ressources documentaires et bibliographiques :

[1] Légifrance - Décret n° 2020-526 du 5 mai 2020 relatif à l'expérimentation de la télémédecine par les vétérinaires [En ligne] disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000041849984 [Consulté le 20 décembre 2024] ;

[2] Ordre National des Vétérinaires - Télémédecine vétérinaire : FAQ [En ligne] disponible sur https://www.veterinaire.fr/je-suis-veterinaire/mon-exercice-professionnel/les-fiches-professionnelles/telemedecine-veterinaire-faq#:~:text=Le%20t%C3%A9l%C3%A9%2Dconseil%20v%C3%A9t%C3%A9rinaire%20est,(ou%20une%20application%20smartphone) [Consulté le 20 décembre 2024] ;

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