Voici l’essentiel pour y voir plus clair.
NDLR : le droit du travail est un droit complexe. Nous mettons toute notre énergie à vous fournir des articles de qualité, écrits et vérifiés par des professionnels compétents. Cependant, il semble qu'une part " d'interprétation du droit ", y compris par les plus aguerris d'entre nous, est toujours possible.
Dans un contexte de pénurie de candidats vétérinaires, le recours à la clause de non-concurrence peut apparaître comme un outil de protection intéressant pour l’employeur. Néanmoins, celle-ci doit répondre à un certain nombre de critères pour être considérée valide et non abusive.
La clause de non-concurrence : pourquoi et pour qui ?
La clause de non-concurrence, lorsqu’elle est rédigée, est insérée dans le contrat de travail qui lie le salarié à son employeur. Celle-ci existe pour protéger les intérêts économiques légitimes de l’employeur vétérinaire. En effet, elle limite la capacité du salarié à exercer une activité concurrente chez un autre employeur ou à son compte après la rupture du contrat de travail.
Selon la convention collective des vétérinaires praticiens salariés du 31 janvier 2006, une clause de non-concurrence est prévue dans les contrats de travail des vétérinaires salariés. Celle-ci peut être directement intégrée au contrat, ou rédigée sur un avenant.
Une clause de non-concurrence peut également être rédigée en cas de cession de clientèle. Celle-ci sert alors à protéger les intérêts de l’acquéreur.
La clause de non-concurrence n’est pas directement définie par la loi ni encadrée par un article spécifique du Code du travail, mais sa validité repose sur la jurisprudence, notamment celle de la Cour de cassation. Elle ne doit ainsi pas pouvoir être considérée comme abusive afin de ne pas entraver le principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle (article L1121-1 du Code du travail).
Quels sont les critères de validité de la clause de non-concurrence vétérinaire ?
La clause de non-concurrence est rédigée librement dans un contrat après accord des deux parties (habituellement l’employeur et son salarié vétérinaire). Celle-ci ne peut en aucun cas être imposée de manière unilatérale. Elle doit également être conforme aux règles jurisprudentielles et déontologiques en vigueur.
Ainsi, pour être valable, la clause de non-concurrence doit respecter plusieurs critères :
-
être limitée dans le temps ;
- être limitée dans l’espace (une zone géographique précise doit être mentionnée) ;
- être compensée financièrement pour le salarié ;
- être liée à une activité spécifique (si le salarié change de domaine d’activité, la clause n’est plus valable) ;
- servir la protection des intérêts légitimes de l’entreprise.
Dans la convention collective des vétérinaires praticiens salariés, les modalités de la clause de non-concurrence sont les suivantes :
-
Durée de 24 mois maximum ;
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Dans un rayon géographique de 25 kilomètres (ramené à 3 kilomètres dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants) ;
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Indemnisation mensuelle brute soumise à charges sociales d’un montant égal à 10% du salaire moyen mensuel brut des trois derniers mois précédant la rupture du contrat.
Ces critères sont cumulatifs : si un seul des critères n’est pas respecté, la clause est considérée comme nulle. En pratique, sachez que l’indemnité prévue par la convention collective peut être considérée comme dérisoire par les juges, ce qui pourrait provoquer son annulation.
La clause de non-concurrence s’applique dès la rupture du contrat de travail. Néanmoins, l’employeur peut libérer le salarié de l’interdiction de concurrence à tout moment pendant la durée du contrat ou à sa cessation. Dans ce dernier cas, il est tenu de l’en informer par courrier recommandé dans un délai de 15 jours calendaires suivant le dernier jour travaillé.
La clause de non-concurrence en quelques questions réponses
- "Je suis salarié et j’ai bien appliqué la clause de non-concurrence mais mon ancien employeur ne m’a pas payé d’indemnités, que faire ?"
La clause a été respectée et l’indemnité est bien due. Il faut dans un premier temps demander une conciliation extérieure, via un conciliateur de justice, par exemple, lorsque les sommes demandées sont inférieures à 5000 euros. En cas d’échec, il est possible de saisir son CRO pour une médiation et si nécessaire, en parallèle, le conseil de prud’hommes.
- "Je suis salarié vétérinaire et dépends donc de la convention collective. Si aucune clause de non-concurrence n’est mentionnée dans mon contrat, dois-je considérer qu’elle n’existe pas ou que celle décrite dans la convention collective s’applique par défaut ?"
C’est le contrat de travail qui fait foi : si aucune clause n’y est mentionnée, le salarié n’est pas tenu de respecter la clause de non-concurrence prévue par la convention collective.
- "Je suis collaborateur libéral, est-ce que je peux être sujet à une clause de non-concurrence ?"
Le statut de collaborateur libéral doit permettre à un vétérinaire de constituer sa propre clientèle. Dès lors, l’ajout d’une clause de non-concurrence au contrat de collaboration libérale ne respecte pas l’esprit de ce statut. Néanmoins, aucun texte légal et réglementaire n’impose ni n’interdit de prévoir une clause de non-concurrence : cette décision relève de la liberté contractuelle des parties.
- "Je travaille pour une clinique vétérinaire qui possède deux sites distincts. Est-ce que le périmètre d’interdiction de concurrence concerne les deux sites ?"
Non, la délimitation dans l’espace de la clause de non-concurrence ne s’applique qu’à un seul DPE (Domicile Professionnel d’Exercice), qui doit être mentionné dans le contrat.
- "Que risque un salarié qui ne respecterait pas une clause de non-concurrence ?"
En cas de violation de l’obligation de non-concurrence, le salarié perd le droit à l’indemnité compensatrice et doit rembourser à son ancien employeur les sommes versées à ce titre (à l’exclusion de celles correspondant au temps où il a respecté la clause). Il peut en outre être condamné par le juge au versement de dommages et intérêts.
Pour être recevable, la clause de non-concurrence doit donc être limitée dans le temps, l’espace et être indemnisée. Elle est encore d’usage dans de nombreux contrats de travail mais ne peut être imposée unilatéralement par l’employeur. En cas de conflit, c’est le juge qui appréciera sa légitimité.
Astrid de Boissière,
Vétérinaire
Ressources documentaires et bibliographiques :
[1] Convention collective nationale des vétérinaires praticiens salariés du 31 janvier 2006 : annexe VII de la CCN des cabinets et cliniques vétérinaires, titre VI article 65, [En ligne]. Disponible sur : https://www.legifrance.gouv.fr/conv_coll/article/KALIARTI000005831893, [Consulté le : 27 mars 2025] ;
[2] Cour de Cassation, Chambre sociale, du 15 novembre 2006, 04-46721, Publié au bulletin, [En ligne]. Disponible sur : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007054657/, [Consulté le : 27 mars 2025] ;
[3] Code de déontologie vétérinaire édition 2022, article R. 242-65, [En ligne]. Disponible sur : https://www.veterinaire.fr/system/files/files/2023-03.pdf [Consulté le : 27 mars 2025].