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La reconversion professionnelle des ASV : un nouveau départ qui séduit de plus en plus

Crédit photo @ Svetlana Rey - stock.adobe.com
Être ASV, c’est exercer un « métier passion » et comme souvent pour ce genre de profession, on n’y arrive pas par hasard. Le parcours est souvent semé d’embuches, les formations parfois onéreuses et les débouchés sont rares. Et pourtant, seulement 25 % des ASV en poste envisageraient d’endosser cette fonction toute leur vie [1] et nombreux·ses sont ceux·elles qui passent le pas de la reconversion professionnelle. Alors pourquoi tout plaquer ? Que vont-il·elle·s chercher ?

 


Parmi eux·elles, Julie devenue ASV déjà à la suite d’une première reconversion professionnelle. Elle troque la toque de pâtissière pour apprendre, sous la tutelle d’une jeune vétérinaire en création de clientèle, ce nouveau métier : polyvalent, porteur de sens et surtout au contact des animaux ! Elle s’y épanouit, trouve sa place dans ce duo de choc qui construit main dans la main cette nouvelle structure. Et puis au bout de 7 ans, fort de son succès, le cabinet évolue, la lassitude des clients et du quotidien s’installe et Julie veut partir, tout quitter pour se reconvertir !

Loin d’être un cas isolé, décryptons aujourd’hui cette nouvelle voie qui séduit de plus en plus nos meilleur·e·s allié·e·s.

Portrait-robot de ces reconverti·e·s

En 2020, Ariane Vasseur a consacré son travail de thèse en doctorat vétérinaire aux reconversions professionnelles des ASV [1]. Après avoir recueilli 390 témoignages d’auxiliaires ayant quitté la profession, elle a vu se dessiner un profil type d’ASV susceptible de changer de voie professionnelle.

Comme Julie, près de la moitié des ASV interrogé·e·s avaient choisi cette voie à la suite d’une première reconversion. Issu·e·s principalement des métiers de la vente ou de la restauration, beaucoup d’entre eux·elles exerçaient également un métier en rapport avec la santé (aide-soignant·e, préparateur·rice en pharmacie, secrétaire médicale…) ou avec les animaux (palefrenier·ère, toiletteur·euse…).

C’est en moyenne au bout de 8,4 ans, que les ASV changent de voie [1] et d’après la thèse de Marine Gourdet [2], plus nombreux·ses sont ceux·elles qui ont suivi la formation du GIPSA, bien qu’ils ou elles aient pu rencontrer beaucoup de difficultés à trouver une alternance et donc à intégrer cette formation. Les élèves des formations privées ont quant à eux·elles déboursé parfois de grosses sommes d’argent. Or après un tel investissement financier, il est souvent plus difficile de se reconvertir. C’est ce qu’on appelle en psychologie : « le biais des coûts irrécupérables ».

Enfin, les ASV susceptibles de se reconvertir sont généralement employé·e·s en CDI dans des structures de taille modeste à dominante canine.

Pourquoi les ASV se reconvertissent ?

La reconversion professionnelle est un phénomène largement répandu, et ce, dans toutes les professions. En 2019, une étude [1] interrogeant 2 083 actifs révélait que 93 % des personnes interrogées avaient déjà réalisé une reconversion professionnelle ou souhaitaient le faire. De plus, cette tendance prend de l’ampleur puisqu’en 2019, 38 % avaient sauté le pas contre 28 % en 2017.

Si la motivation première au sein de la population générale est la recherche de sens à travers une activité professionnelle en accord avec les valeurs personnelles, ce n’est pas le cas pour les ASV. Arrivé·e·s en poste majoritairement par amour pour les animaux, c’est toujours à leur contact que les ASV reconverti·e·s se sentent les plus épanoui·e·s à leur départ. Elles et ils pointent du doigt d’autres raisons à leur reconversion : en premier lieu le manque de reconnaissance, puis l’impossibilité d’évolution et enfin un salaire trop bas.

« J’aimais ce que je faisais mais je ne voulais pas renoncer à voir grandir mes enfants pour un salaire de misère ! » se confie l’une d’entre elles [1].

Arrivé·e·s à un point de non-retour, 49 % des ASV reconverti·e·s quittent définitivement la profession par dégoût ou parce que, selon eux·elles, les difficultés rencontrées seraient les mêmes dans une autre structure. Cependant 21 % des ex-ASV partent à contre-cœur, le marché de l’emploi des ASV étant tellement bouché qu’il leur est difficile de trouver un autre poste plus adapté à leurs attentes. Elles témoignent [1] :

« J'aime ce métier, et je suis persuadée que de bons patrons existent, ça me brise le cœur de faire autre chose.»

 

« Parfois je me dis que dans un autre contexte (meilleure ambiance et meilleur salaire) ça aurait pu être sympa de continuer un peu dans cette voie. Je vois juste que le manque de compétences pour manager peut vraiment tuer une structure (turn-over, stress, absences). Les salariés font tourner l’entreprise, s’ils sont bien traités et valorisés ils donneront leur maximum. »

Qu'est-ce qu'il se passe après ?

La majorité des ASV qui partent le font après mûre réflexion et après avoir organisé la suite de leur carrière professionnelle. Peu d’entre eux·elles font une pause entre leur départ et le commencement de leur nouvelle activité, trouvée, plus souvent par le biais de leur réseau que par des moyens plus conventionnels (bilan de compétences, pôle emploi…) [1].

La majorité des ASV reconverti·e·s interrogé·e·s estiment que leur expérience d’ASV leur a été bénéfique dans la recherche de leur futur emploi, notamment grâce à leurs compétences en relation clientèle mais aussi à leurs acquis dans le milieu scientifique et notamment médical. La figure suivante donne des exemples concrets de leur reconversion [1] :

Si les débuts ne sont pas toujours faciles, la majorité d’entre eux·elles ne regrettent pas d’avoir sauté le pas et souhaitent soutenir les ASV qui sont dans le doute [1] :

« Si on ne se sent pas bien dans un poste, il faut déterminer pourquoi, voir si on peut changer ça et, si on ne peut pas, envisager le départ. Dans tous les cas, s'apitoyer et encaisser ne sont pas des options. »

 

« Faire un bilan de compétences, ne pas hésiter à s'entourer de personnes compétentes pour aider à la réflexion. Si bonne entente avec l'employeur, ne pas hésiter à lui en faire part, car il peut être un réel soutien. »

Communiquer est encore une fois la clé ! Et si les trois quarts des ASV reconverti·e·s ont entamé le dialogue avec leur ex-employeur·euse avant de prendre leur décision, c’est parce que précisément, pour la moitié d’entre eux·elles, un changement de la part du ou de la vétérinaire aurait pu les faire changer d’avis.

Finalement, lorsqu’un changement de contrat n’est pas toujours réalisable à l’échelle de la structure, une simple réorientation managériale peut parfois tout changer !

Cependant, face à un tel taux de reconversion, la remise en cause des conditions actuelles d’exercice du métier d’ASV paraît également indispensable. Il apparaît de manière de plus en plus flagrante que cette profession doit évoluer. Mais dans quel sens ?

En 2018, une étude de la DARES (Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques) [1] a permis de mettre en évidence que le métier d’ASV associait une demande psychologique importante à peu de pouvoir décisionnel ainsi qu’à une rémunération faible. Autant de facteurs favorisant le stress chronique au travail.

Dans son enquête, Ariane Vasseur dénombrait 33 % d’ASV souhaitant plus de responsabilités, que ce soit sur l’aspect technique (deux tiers) que sur la relation à la clientèle (un tiers).

Si l’on regarde à l’international, les TSA (Technicien·ne de Santé Animale) canadiennes ont un statut qui se rapproche davantage de celui des infirmier·ère·s. Ils et elles sont notamment autorisé·e·s (légalement ​​​​​​​!) à pratiquer certains gestes techniques comme la pause de cathéter ou l’administration de traitements par injections. Cette évolution permettrait aux ASV d’être plus indépendantes, d’ouvrir leur profession au statut libéral et à un « sixième échelon » de la convention collective et d’adapter leur rémunération à leur niveau de responsabilité.

Cependant, certain·e·s ASV comme Alexandra qui a témoigné à notre micro de sa longue expérience en tant qu’ASV, admettent volontiers avoir préféré choisir le métier d’ASV à celui de vétérinaire, porteur de trop de responsabilités. Pour ce type de profil, une évolution plus orientée vers des métiers supports (organisation, ressources humaines, formation interne, communication…) pourrait être d’autant plus intéressante dans la logique actuelle du regroupement des structures.

« A partir du moment où l'on n'est plus bien dans son métier, je pense qu'il est nécessaire de changer avant d'avoir des répercussions sur notre santé (physique, morale, ...). C'est important de croire en soi et de se donner les moyens de réussir. Ma reconversion professionnelle est une réussite, je suis épanouie dans mon nouveau travail. » [1]


Alors écoutez-vous mais aussi faites-vous entendre parce que vous seul·e·s pouvaient faire bouger les lignes de ce si beau et indispensable métier. Et surtout, prenez soin de vous !

 

Anne-Sophie Richard,
Vétérinaire

 

Ressources documentaires et bibliographiques

[1] A. Vasseur. Les reconversions professionnelles chez les ASV, 2021, [En ligne]. Disponible sur : https: These_Ariane_Vasseur_LES_RECONVERSIONS_PROFESSIONNELLES_CHEZ_LES_ASV.pdf [Consulté le : 13 juillet 2023] ;

[2] M. Gourdet. Les auxiliaires vétérinaires en France : statuts, activités et perceptions de leur métier, 2015, [En ligne]. Disponible sur : https://oatao.univ-toulouse.fr/14444/1/Gourdet_14444.pdf [Consulté le : 13 juillet 2023].

 

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