Cette (r)évolution porte donc à trois le nombre de formations certifiantes inscrites au RNCP sous le même intitulé. Mais que signifie vraiment cette reconnaissance ? Permet-elle d’accéder à l’échelon 5 de la convention collective des ASV ? Spoiler : ce n’est pas si simple… On vous explique.
France compétences, RNCP et niveau de qualification : de quoi parle-t-on ?
France compétences est une instance de gouvernance nationale responsable de la certification professionnelle. Elle dépend du ministère en charge de la formation professionnelle et donc de l’État, et joue un rôle central : évaluer et reconnaître officiellement les formations pour garantir leur qualité, leur adéquation avec le marché de l’emploi et leur légitimité à délivrer un titre professionnel.
Les formations qu’elle valide sont inscrites au RNCP – le Répertoire national des certifications professionnelles. Être inscrite au RNCP signifie donc pour une formation qu'elle est reconnue par l’État, que son contenu répond à des exigences précises et qu’elle délivre un titre correspondant à un niveau de qualification. Ces niveaux vont de 1 (le plus bas) à 7 (le plus élevé, qui est équivalent à un bac+5).
Dans le cas des formations certifiantes au titre d’auxiliaire spécialisé vétérinaire, celles de l’Institut Bonaparte, Sup Véto et APFORM sont toutes classées niveau 4, soit un niveau équivalent au baccalauréat. C’est un gage de sérieux, mais ce n’est pas suffisant pour déterminer votre position dans la grille de la convention collective… et c’est là que les choses se compliquent.
Une convention collective, c’est quoi exactement ?
Une convention collective est un accord négocié puis signé entre les représentants des employeurs et ceux des salariés d’un secteur professionnel. Elle définit les droits et les obligations des deux parties, en matière de conditions de travail, de classification des emplois, de rémunération, ou encore de formation.
Dans le secteur vétérinaire, la convention collective nationale des cabinets et cliniques vétérinaires est négociée et révisée par les syndicats représentatifs de la profession, en lien avec les partenaires sociaux. C’est cette convention qui définit les cinq échelons applicables au personnel non vétérinaire, chacun correspondant à un ensemble de tâches et à un niveau de qualification attendu, et entraînant un niveau minimum de rémunération.
Et c’est également cette convention qui précise noir sur blanc que l’échelon 5 est réservé aux titulaires du titre d’auxiliaire spécialisé vétérinaire... délivré par APFORM. Autrement dit, pour le moment, les titres RNCP d’auxiliaire spécialisé vétérinaire récemment reconnus par France compétences pour l’Institut Bonaparte et Sup Véto ne suffisent pas à eux seuls pour accéder à cet échelon.
Dans les faits, ces formations semblent correspondre, selon la grille de classification de la convention collective, à l’échelon 3, qui concerne les auxiliaires vétérinaires. Cet échelon reflète un niveau de technicité certain, mais ne correspond théoriquement ni aux mêmes missions ni aux mêmes perspectives d’évolution métier et salariales que l’échelon 5.
⚠️ À noter
La convention collective fixe des salaires minimums conventionnels par échelon, mais aucun plafond.
Autrement dit, un employeur peut parfaitement choisir de rémunérer un ou une ASV au-delà du salaire prévu par la convention collective, quel que soit son échelon officiel. Ainsi, un ou une ASV échelon 3 peut parfaitement être rémunéré au salaire minimum conventionnel d’un échelon 5, voire plus. Cela reste cependant à la discrétion de l’employeur et peut être négocié avec le salarié, mais ce n’est pas un droit automatique lié au titre obtenu. Notez qu’en 2025, la différence de salaire minimum conventionnel entre l’échelon 3 et l’échelon 5 est de 178 euros bruts mensuels.
Une reconnaissance importante, mais partielle
Pour des organismes comme Sup Véto et l’Institut Bonaparte, l’enregistrement de leur formation au RNCP sous le titre d’auxiliaire spécialisé vétérinaire représente réellement une étape importante dont ils peuvent légitimement se réjouir. Longtemps réservée à APFORM, cette reconnaissance par France compétences consacre aujourd’hui la qualité de leur formation et leur permet de proposer un parcours désormais reconnu par l’État au même titre que celui d’APFORM, ce que les distinguent de nombreuses autres formations existant dans le milieu des soins vétérinaires.
Mais pourquoi alors, cette revalorisation au RNCP ne suffit-elle pas à accéder à l’échelon 5 de la convention collective nationale des cabinets et cliniques vétérinaires du 5 juillet 1995 (IDCC 1875) ? Pourquoi seul le titre délivré par APFORM le permet-il ?
Cette question peut sembler d’autant plus légitime qu’APFORM délivre son titre d’ASV en co-certification avec le SNVEL (Syndicat National des Vétérinaires d’Exercice Libéral), qui est également l’organisation patronale signataire de la fameuse convention collective. Mettons dès lors les pieds dans le plat. N’y aurait-il pas ici un conflit d’intérêt ?
Nous avons posé la question à David Quint, président du SNVEL. Et sa réponse est sans appel.
« La certification portée aujourd’hui par APFORM (et par le SNVEL pour assurer la cohérence professionnelle du besoin des structures vétérinaires) a d’abord été assurée par un groupement d’intérêt public (GIPSA), avant d’évoluer dans le cadre d’une convention entre le SNVEL et le ministère en charge de l’Agriculture. Elle est aujourd’hui inscrite au RNCP, habilitée par la Commission Paritaire Nationale de l’Emploi et de la Formation Professionnelle (CPNEFP), et reconnue dans la convention collective nationale.
Ce parcours démontre qu’APFORM n’est pas née d’une initiative isolée, mais d’un travail structuré, inscrit dans la durée et validé à chaque étape par les instances compétentes.
La branche professionnelle vétérinaire repose sur un modèle paritaire, associant syndicat d’employeurs et syndicats de salariés. Il est d’ailleurs essentiel de souligner que ces derniers, qui ne s’associent pas à la légère à des initiatives portées par des employeurs, ont choisi de promouvoir activement ce dispositif. S’ils l’ont fait, c’est parce qu’ils reconnaissent une démarche sérieuse, transparente, centrée sur l’intérêt des apprenants.
Et rappelons-le : la Commission Paritaire Nationale de l’Emploi et de la Formation Professionnelle (CPNEFP) n’est pas une émanation du SNVEL. Ce dernier y siège, oui, pour le côté employeurs mais n’y décide pas seul. C’est l’ensemble des partenaires sociaux qui construisent ensemble les orientations de la formation professionnelle dans notre branche.
APFORM est une association loi 1901, à but non lucratif. Elle ne verse pas de dividendes, n’a aucun actionnaire à rémunérer, et n’a d’autre objectif que celui de servir la profession. C’est cette neutralité économique qui garantit un pilotage transparent, au service de la qualité, et non d’une logique financière. La présence du SNVEL sert d’encadrement professionnel, ne procède pas d’une logique de rente. Rappelons simplement que l’argent de la formation professionnelle est contrôlé et que la suspicion ne peut trouver de crédit dans un secteur où tout est vérifié comme celui-là.
La logique d’apprentissage défendue par APFORM n’est pas idéologique. Elle est cohérente avec la réalité de terrain : elle garantit que la formation s’insère dans un contrat de travail, dans une clinique, avec un accompagnement réel. Ce lien est fondamental pour assurer l’intégration professionnelle.
Finalement, APFORM est une structure collective, née de la profession, régie par la profession, ouverte aux évolutions et attentive aux besoins des cliniques comme des apprenants. Elle ne se prétend pas meilleure par principe. Elle est le fruit d’une construction vertueuse, au service de l’intérêt général de la filière vétérinaire. »
L'information majeur qui ressort de cette réponse, c’est que si le SNVEL est bien co-acteur dans la certification ASV délivrée par APFORM, il n’est pas le seul décisionnaire de la grille des échelons de la convention collective. Cette dernière est bien le fruit d’accords entre les représentants des employeurs et des salariés et ne semble pas gravée dans le marbre.
Choisir sa formation : ne pas se fier aux apparences
Avant de s’engager dans une formation, il est essentiel que les futurs apprenants prennent le temps de se renseigner en profondeur : reconnaissance RNCP, niveau de qualification, échelon de la convention collective accessible à l’issue du parcours, coût, durée, modalités d’admission, accessibilité... Tous ces éléments doivent être pris en compte pour faire un choix en pleine conscience.
Car, s’il existe plusieurs voies pour accéder au rôle d’auxiliaire vétérinaire, voire d’auxiliaire spécialisé vétérinaire à l’échelon 5, toutes ne se valent pas nécessairement en termes de durée, d’efficacité ou de reconnaissance. Certains organismes de formation peuvent choisir de mettre en avant le niveau 4 de reconnaissance RNCP de leur cursus, tandis que d'autres peuvent valoriser d’autres aspects de leur formation. Ce qui prime finalement c’est que le candidat auxiliaire vétérinaire comprenne l’ensemble des tenants et des aboutissants avant de se lancer dans l’une ou l’autre voie.
Dans ce contexte, la plus grande transparence de la part des organismes de formation, des employeurs et des institutions est non seulement bienvenue, mais aussi un véritable gage de respect envers les étudiantes et étudiants qui investissent temps, énergie et souvent ressources financières personnelles dans leur projet professionnel.
La reconnaissance RNCP des formations au titre d’auxiliaire spécialisé vétérinaire par les organismes Institut Bonaparte et Sup Véto marque une avancée significative pour la profession, mais elle ne doit pas masquer les zones d’ombre qui subsistent entre certification d’État vie France compétences et reconnaissance par la branche vétérinaire. Pour les futurs ASV, comprendre ces distinctions est essentiel pour faire des choix éclairés. Pour les acteurs de la profession, le moment semble venu d’ouvrir le dialogue, afin de garantir plus de lisibilité, d’équité et de cohérence dans les parcours de formation et de reconnaissance. Car derrière ces sigles et ces échelons, ce sont des carrières et des vocations qui se jouent.
Manuelle Hoornaert,
Vétérinaire & Rédactrice en chef
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