Première question bête qui me vient : qu’est-ce qu’une anglo-belge peut bien faire en France ?
SW : J’ai fait la première partie de mes études en Belgique et j'ai eu la chance de faire des stages en Angleterre et en Australie. Ces voyages m’ont donné envie d'aller travailler dans d'autres contrées. Dès que j’ai obtenu mon DESV, Je suis partie au Royaume-Uni - j’ai aussi la nationalité anglaise - où j'ai fait de la mixte. Après cette expérience, je me suis concentrée sur les petits animaux et les chevaux à côté de Londres. Puis, j'ai pris une année pour découvrir la pratique vétérinaire dans des contrées lointaines : j'ai fait des remplacements et du volontariat en Thaïlande, au Pérou et dans les îles Cook. L’envie de faire un internat en équine dans un hôpital privé - qui me trottait dans la tête depuis quelques temps - m’a ensuite emmenée au Pays de Galles. Puis, j'ai été sélectionnée pour faire une résidence en médecine interne équine au Royal Veterinary College à Londres... Toujours pas question du pays de la baguette et du béret, tu vas me dire… Mais ça vient ....Sur la fin de ma résidence, j’étais littéralement cramée (les plus assidus liront entre les lignes). J’avais besoin d’un nouveau souffle. Je me suis fait mon propre bilan de compétences et j’ai réfléchi aux choses qui m'animaient. Avec en tête, la science et le partage de connaissance, je me suis dit pourquoi pas la pharma. J’ai donc fait une candidature spontanée et c’est comme ça que je me suis retrouvée en France sur une création de poste chez Audevard, laboratoire pharma équin en tant que vétérinaire technique Export puis Chef de Gamme locomotion - certains reconnaitrons Mme Tildren (rires, ndlr). La suite est tout aussi riche et dense : un executive MBA, la création de See my vet, d’abord avec un focus télémédecine qui s’est très vite recentré sur les besoins fondamentaux de la profession. Enfin, une nouvelle page s’écrit maintenant avec mon intégration du groupement Qovetia en tant que directrice marketing et communication avec un pendant RH et formations très important. En bref, selon moi, la possibilité de faire ce que je mettais en place chez See my Vet mais à plus grande échelle !
Comment tu as pu te retrouver avec autant de diplômes et quels apprentissages tu en as tiré ?
SW : On m’a parfois reproché ma quête de diplômes et de nouvelles connaissances comme étant une fuite en avant. “Sophie, quand vas-tu t’arrêter?”, “Qu’est-ce que tu cherches à prouver?”. Et je me suis moi-même penchée sur cette question à plusieurs reprises avec de sérieuses remises en question. Pendant mes premières années sur le terrain, je n'en avais jamais assez d’apprendre de nouvelles choses et de m’améliorer dans mon métier. Au bout de trois ans, c’était une évidence que je voulais m’engager dans la voie de l’internat et puis de la résidence, j'aspirais à en apprendre davantage, devenir excellente et partager ce savoir au sein des écoles et sur le terrain. Le passage du board au Collège européen de médecine interne équine n’était pas une fin en soi, c’est le trajet qui m’importait. Cela étant dit, je faisais également partie de ceux et celles qui pensaient que la seule façon de devenir vraiment bonne était de passer par la voie de l’internat et de la résidence. Depuis, j’ai changé mon fusil d’épaule et je serai ravie d’en discuter plus avec ceux ou celles qui en ont besoin.
Par la suite, chez Audevard, presque tout était nouveau, j’avais amplement de quoi me mettre sous la dent mais au bout de trois ans, il me manquait quelque chose, plus de pièces du puzzle du monde de l’entreprise, monde dans lequel j’avais envie de continuer à évoluer. Je me suis penchée sur mes options et faire un executive MBA me semblait être ma meilleure option. Une des meilleures formations de ma vie, à la fois sur le côté compétences dites ‘dures’ (finance, compta, supply chain, marketing…) mais tellement aussi sur le côté humain et sur moi-même également avec des formations spécialisées et du coaching.
La transition du terrain (au bout de 8 ans) vers l’industrie n’a pas été trop difficile même si je l’ai souvent remise en question au début. Et quand je fais le bilan, je suis tellement heureuse d’avoir suivi ce chemin et de contribuer à la profession différemment. Suivre mon intuition ne m’a apporté que de belles choses.
Aujourd’hui, j’ai le recul et la maturité pour statuer sur la question de la fuite en avant. Il ne s’agit pas d’une quête de diplômes mais le besoin de répondre à un appétit difficilement rassasié de connaissance. Je me nourris littéralement de savoir. Mais attention, apprendre n’est pas la finalité en soi. La finalité est d’apprendre des choses que je peux appliquer concrètement dans mon quotidien, dans mon travail, au profit des objectifs que je me suis fixée. Ces diplômes ne me définissent donc pas, ils m’ont construite.
Si j’apporte ces précisions, c’est que je vois et entends beaucoup de jeunes vétérinaires qui sont en quête de faire de la formation continue dès la sortie. Je comprends cet état d’esprit car, on se sent assez démuni en sortant, on a l’impression de ne pas avoir assez de bagage pour être légitime. C’est important d’en faire un peu bien sûr mais c’est surtout important de mettre en pratique ce qu’on sait déjà pour prendre confiance, il n’y a pas meilleure façon pour s’améliorer.
Quel parcours ! Et si on reprend les choses au début : à quoi aspirais-tu quand tu es entrée à l'école vétérinaire ?
SW : Quand je suis rentrée à l'école véto, je n'étais absolument pas certaine de réussir. Je m'étais dit, j'essaye un an et si je n'y arrive pas, je considère un autre métier dans le cheval. C'est drôle parce qu'à l'inverse, à 16 ans, j'avais obtenu une bourse dans une prestigieuse école de sport étude anglaise pour être coachée par une cavalière de complet très connue et j'avais décliné sous prétexte que je n'aurai pas le bagage scolaire nécessaire pour poursuivre des études de vétérinaire... J'ai eu la chance d'avoir ma meilleure amie à mes côtés, qui était un an au-dessus de moi. Elle est rapidement devenue mon mentor de travail et une fois que j'ai compris comment travailler et que j'avais les capacités pour réussir, j'ai tout donné -sans oublier de faire la fête bien sûr ! (rires, ndlr).
Même si j'avais une affinité particulière pour les chevaux, j'avais envie d'être formée dans tout et d'avoir un bon bagage général pour avoir plusieurs options à la sortie. J'aspirais à être une bonne vétérinaire probablement sans savoir exactement ce que cela représentait à l'époque...
As-tu souffert en tant que véto sur le terrain ?
SW : Au début de ma carrière, j’ai démarré dans une clinique qui a bien failli me dégoûter du métier dès le début. C’était un classique, pas d’accompagnement, pas de soutien, une médecine peu qualitative... Je me disais “C’est ça être vétérinaire?”. J’étais tellement déçue... Heureusement, j’ai fui au bout de 7 mois et j’ai trouvé une super clinique où je suis restée presque 3 ans et où j’ai été formidablement accompagnée et j’ai pris beaucoup de plaisir dans mon métier. Après une période de remplacements, de volontariats et mon année d’internat où je me suis réellement éclatée et où j’ai appris encore beaucoup de choses, j’ai entamé ma résidence qui a été une période très difficile pour moi sur le plan boulot et perso.
En fin de résidence, j'étais à bout de souffle, usée mentalement et physiquement, en burn-out. J'étais déçue par la profession et par moi- même me jugeant incapable de tenir le coup. J’ai remis beaucoup de choses en questions mais je pense qu’avec du recul, j’ai réagi de la meilleure manière possible. J’étais en mode survie et je savais qu’il me fallait un nouveau souffle, hors du circuit de praticienne pour mieux m’orienter. A ce moment-là, je me disais que le monde pharma vétérinaire était une transition, que je finirai par quitter définitivement le circuit véto. Ciao !
En labo, je me suis reconstruite, mon CDD de 6 mois, s’est transformé en CDI de 5 ans sur 2 postes différents, un MBA et un projet entrepreneurial. J’ai repris confiance, j’ai travaillé sur moi, qui j’étais, ce que j’avais envie de faire. Je me suis rendue compte que je n'étais pas prête à abandonner le métier de vétérinaire, qu'il était injuste que tellement de vétérinaires se retrouvent désillusionnés et que surtout, cela ne pouvait pas être une fatalité. Il était possible pour moi de contribuer à la profession, sous un autre angle. Je réalisais à quel point nous n'étions pas préparés au métier qui nous attendait. Certes, notre formation scientifique était excellente mais nos compétences de chef d'entreprise ou intra et interpersonnelles étaient pratiquement absentes. Même avec quelques années de plus, je faisais partie des jeunes qui avaient de plus en plus de mal à s’identifier audit “plus beau métier du monde. Avec See my Vet, mon combat commençait, la santé des animaux passait obligatoirement par celle du véto...
Le podcast « Paroles de vétos », ça t’es venu comment ?
SW : Personnellement, je dévore beaucoup de podcasts* divers et variés et à un moment, c’est selon moi, c'est de l'accès facile à de l'information mais c’est aussi un moment d’écoute divertissant, sans prise de tête... j'ai eu envie de partager cette passion avec mes consoeurs.frères. Les podcasts ont plutôt le vent en poupe depuis quelques temps, mais c’est assez récemment qu’ils ont commencé à se développer dans le monde vétérinaire. J'ai enregistré mes premiers podcasts pendant le premier confinement. Ça s'appelle Le podcast qui piaille et l’idée c’était de vulgariser les produits et services numériques de la santé animale en échangeant avec les fondateurs. Depuis le début de l’année, et tu le sais puisque nous avons initié un partenariat, je développe également Paroles de vétos. Dans ce podcast, il est question de questionner des vétérinaires praticiens et de tourner autour de la thématique des conseils qu’ils donneraient au jeune vétérinaire qu’ils étaient. Je me régale avec ces interviews car c’est un vrai moment d'intimité et c’est aussi très riche en enseignements.
Puisque tu poses cette questions à tous tes invités, qu'est-ce que tu dirais toi à la plus jeune version de toi-même ?
SW : (rires, ndlr) Je savais bien que quelqu'un finirait par me poser cette question. Tellement de choses à lui dire à cette nana version bulldozer, prête à tout défoncer. "Laisse les gens t'aider car demander de l'aide ou laisser la porte ouverte pour accueillir l'aide qu'on t'offre ne signifie pas que tu es quelqu'un de faible ou de moins compétent", "laisse de la place dans ta vie pour les gens qui te veulent du bien". Bref, vous l'avez compris. Je regrette d'avoir autant navigué solo pour mener ma barque parce que l'océan est imprévisible et que j'ai plusieurs fois bu la tasse (rires, ndlr) Malgré cela, je suis très reconnaissante car mes amis sont restés à mes côtés patiemment, sur un hors-bord prêt tout de même le moment venu à me lancer une bouée...
Trop cool cet échange Sophie ! Merci. Chez Vétojob, on est très content de ce partenariat avec « Paroles de vétos » et personnellement, je prends beaucoup de plaisir à écouter mes consoeurs.frères parler de leur métier, de ses difficultés parfois mais aussi et surtout de ce qui le rend beau et riche, en buvant mon café le matin (enfin, quand mes enfants décident de me laisser boire mon café dans le calme).
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*Un podcast est une émission audio, souvent gratuite, téléchargeable via une plateforme d’écoutes et qu'on peut donc écouter n'importe où, n'importe quand.
Propos recueillis par Marine Slove,
Vétérinaire & Éditrice associée
Cet article a été écrit dans le cadre de notre collaboration avec le podcast "Paroles de véto" produit par See my Vet.