Ressentir de la colère est naturel et légitime. Il est important de reconnaître que toutes les émotions, même désagréables, ont leur place. Ressentir de la colère face à un propriétaire qui semble négliger son animal ou minimiser son état est une réaction naturelle. Cette colère reflète votre attachement à votre mission : protéger le bien-être animal.
Cependant, cette émotion est déclenchée par nos suppositions : " Cette personne ne se soucie pas de son animal ", " Ils auraient dû agir plus tôt ", " Ils n’écoutent pas nos conseils. " Ces jugements, sont au mieux incomplets, au pire faux. Et c’est une bonne nouvelle ! Car vous avez le pouvoir d’observer et de modifier vos jugements et vos suppositions.
Par exemple, un propriétaire amène un chat âgé, cachectique et déshydraté en disant : " Ça fait deux jours qu’il ne mange plus. " Une montée de colère peut survenir : " Comment peut-on laisser un animal arriver dans cet état ?" Pourtant, il est possible que le propriétaire ait agi dès qu’il a remarqué un problème, sans comprendre que l’animal souffrait depuis bien plus longtemps de maladies chroniques sous-jacentes. En clarifiant cela, la colère peut s’apaiser, voire s’éteindre, laissant place à une meilleure compréhension de la situation et en remettant votre disponibilité d’esprit au service de votre travail.
La colère au quotidien : un risque pour votre bien-être
La colère non gérée ou répétée peut devenir épuisante. Lorsqu’elle se transforme en rumination — " Les gens ne prennent pas soin de leurs animaux ", " les gens ne comprennent rien " —, elle sape votre énergie, nourrit un cynisme grandissant, et vous amène doucement à perdre votre satisfaction professionnelle.
Cette " fatigue colérique " est autant à prendre en considération que la fatigue compassionnelle. Elle peut affecter votre santé mentale, vos relations avec les propriétaires, et même avec vos collègues. À long terme, elle contribue à un état d’esprit délétère, où frustration et désillusion prennent le dessus.
Pour autant la colère n’est pas à diaboliser, au contraire. Elle peut s’avérer très utile pour stopper des comportements inappropriés ou poser des limites. Le tout est de sentir quand votre colère est à votre service ou quand elle se retourne contre vous et siphonne votre énergie.
Comment l’empathie peut désamorcer la colère
Heureusement, il est possible de transformer la colère en une opportunité de mieux comprendre et mieux communiquer. L’empathie, en vous aidant à explorer la réalité de l’autre, devient un outil pour désamorcer ces émotions désagréables et retrouver votre sérénité.
1. Reconnaître et remettre en question ses interprétations
Votre colère est un signal. Vous êtes en train de faire des suppositions : " Ils ne s’intéressent pas à leur animal ", " Ils m’ont menti. " En identifiant ces pensées automatiques, vous pouvez vous demander : " Et si je me trompais ? Qu’est-ce qui pourrait expliquer leur comportement ? "
Exemple : Au lieu de penser " Ils n’ont pas pris soin de leur chat ", interrogez-vous : " Que savent-ils réellement des besoins de leur animal ? Ont-ils eu des conseils erronés de leur entourage ?" Cette ouverture des possibles vous permet d’entrevoir la complexité de la situation et de sortir d’une vision binaire ou le propriétaire est bon ou mauvais.
2. Utiliser l’écoute active et la reformulation
L’empathie se traduit par des comportements concrets, comme écouter et reformuler ce que vous avez compris pour valider votre perception.
Par exemple : Si le propriétaire dit : " Il ne mange plus depuis deux jours ", vous pourriez répondre : " Si je comprends bien, il mangeait normalement avant ces deux jours, c’est ça ? " Cette reformulation facilité l’ouverture d’un dialogue constructif.
3. Explorer la réalité de l’autre avec curiosité
L’empathie vous pousse à vous intéresser à ce que l’autre vit. Elle vous évite de tomber et de rester coincer dans vos jugements. Pourquoi cette personne a-t-elle attendu avant de venir ? Quelles sont ses croyances ou ses connaissances sur les animaux vieillissants ?
Un propriétaire peut se dire : " Un animal âgé mange moins, c’est normal. " Si vous comprenez cette croyance, vous pouvez expliquer calmement que cela peut être le signe de maladies traitables, évitant ainsi un jugement hâtif ou une confrontation inutile.
4. Créer un espace de dialogue et de coopération
Quand vous remplacez la colère par une attitude empathique, vous créez un climat de confiance. Cela facilite votre travail et améliore la prise en charge de l’animal. Plus les propriétaires se sentent compris et plus ils seront à même de coopérer avec vous. Souvenez-vous que vous êtes en train de travailler et que votre mission est de faire de votre mieux pour prendre soin de l’animal. En écoutant les personnes vous dire ce qu’elles ont vécu, vous augmentez les chances qu’elles soient ensuite à l’écoute de vos propositions pour le bien-être de leur animal.
Par exemple, un propriétaire honteux de ne pas avoir agi plus tôt sera plus ouvert si vous adoptez une posture bienveillante et à l’écoute. Attention à ne pas confondre bienveillance et complaisance. Même si c’est inconfortable, prendre le temps de nommer en quoi avoir attendu est un problème et aider le propriétaire à faire mieux la prochaine fois sans le culpabiliser est au service d’une meilleure gestion future. Et on peut même espérer, d’une propagation du message à son entourage. Ce n’est pas parce que le moment est désagréable qu’il n’est pas bienveillant.
L’empathie : un cadeau que vous vous faites à vous-même
Utiliser l’empathie ne signifie pas excuser des comportements problématiques ou minimiser les erreurs des autres. C’est choisir une posture qui préserve votre bien-être quand l’alternative vous dessert. En apprenant à comprendre plutôt qu’à juger, vous évitez de vivre des émotions désagréables qui amenuisent vos ressources et vous enferment dans des ruminations stériles. Vous économisez votre énergie et retrouvez un état d’esprit plus apaisé. Cela vous permet d’être plus efficace dans votre travail tout en préservant votre satisfaction professionnelle et votre épanouissement à long terme.
Même si la colère est une compagne fréquente dans le quotidien vétérinaire, elle n’a pas à dicter vos comportements ou à saper votre énergie. En choisissant de faire appel à votre empathie, vous transformez une réaction instinctive en une réponse réfléchie. Vous créez un espace où la compréhension remplace le jugement, où la sérénité prend le pas sur l’épuisement. Bien sûr ce changement est au service des autres, mais aussi de vous-même pour préserver votre bien-être et continuer à exercer avec passion et satisfaction sur le long terme. L’empathie, utilisée à bon escient, est une compétence puissante pour naviguer dans les défis émotionnels de votre métier.
Coline Musel
Vétérinaire et co-fondatrice de WonderVet
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