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Les risques psycho-sociaux: une réalité dans le monde vétérinaire

Crédit photo @ Александр Лебедько - stock.adobe.com
La santé mentale des vétérinaires n'est pas au beau fixe ces dernières années. Les risques psycho-sociaux, appelés RPS, sont de plus en plus présents au sein de notre exercice, expliquant des taux de burn-out et de suicides supérieurs par rapport aux autres professions. Il est important de savoir reconnaître les RPS et surtout de prévenir leur apparition. 

Les risques psycho-sociaux (RPS) font référence à des éléments du travail et à son organisation qui peuvent entraîner des problèmes de santé mentale, de bien-être et de productivité. La santé des vétérinaires, tant sur le plan psychologique que physique, reste un sujet peu abordé, au contraire de celles des soignants (infirmières, médecins, etc.), alors que de nombreux burn-out et suicides sont dénombrés au sein de notre profession. Heureusement, ces dernières années, des recherches ont été lancées sur la santé psychologiques des vétérinaires afin d’évaluer les risques psycho-sociaux et de les prévenir. 

Les risques psycho-sociaux dans la profession vétérinaire  

Les vétérinaires peuvent être confrontés à de nombreux risques psycho-sociaux lors de leur exercice, qui peuvent être de natures diverses :  

  • Intensité de la charge de travail : avec des horaires souvent irréguliers, des journées avec une grande amplitude horaire et parfois des gardes, la surcharge de travail est fréquente chez les vétérinaires, tant sur le point physique que psychologique, ce qui engendre une fatigue démesurée et des risques pour la santé. 

  • Conflit entre vie professionnelle et vie privée : conflit qui découle directement de la surcharge de travail. L’investissement professionnel empiète sur la vie familiale, à l’origine d’une baisse d’énergie et de temps pour des activités hors-travail.  

  • Les tensions entre collègues : il peut y avoir des conflits entre patrons et salariés, y compris avec des auxiliaires. Les salariés peuvent se sentir exploités par leur employeur et souffrir d’un manque de reconnaissance. Pour les employeurs, la gestion d’une équipe n’est pas toujours simple, le management n’étant pas du tout inclus dans la formation initiale. Il est également important de mentionner la pression au niveau de la concurrence, notamment lorsque plusieurs structures vétérinaires se trouvent dans un périmètre géographique restreint. 

  • La pression financière : pour les vétérinaires libéraux, la crainte du déficit est réelle. Avec l’inflation, le coût d’entretien d’une structure, le matériel et les charges ne cessent de grimper, ce qui favorise le stress et les risques de burn-out. Par ailleurs, de nombreux vétérinaires libéraux sont déçus de leur rémunération au vu de l’investissement en temps, énergie et argent que nécessite la gestion de leur structure. 

  • La charge émotionnelle : les vétérinaires sont confrontés à la souffrance animale, au désarroi des propriétaires, notamment lors des actes d’euthanasie. L’inquiétude et les difficultés financières des clients peuvent également avoir des répercussions sur le moral et l’état émotionnel du vétérinaire.   

  • Les urgences et les imprévus : dans leur exercice, les vétérinaires peuvent à tout moment être interrompus par des situations d’urgences qui bousculent l’emploi du temps, aboutissant à un travail désorganisé, avec la sensation d’être peu efficace, qui joue énormément sur le stress. 

  • La peur de l’erreur : le vétérinaire se sent responsable de l’animal et de son propriétaire, ce qui ajoute une pression à son travail, et la peur d’être jugé par le client ou bien par un confrère. 

  • La crainte d’un accident du travail : les vétérinaires sont sujets aux blessures lors de leur exercice, notamment en pratique rurale ou équine où les accidents sont fréquents. 

  • La perte de sens : les vétérinaires sont bien souvent confrontés dans leur pratique quotidienne à un désalignement avec leur valeurs personnelles (écoresponsabilité, valeur de la vie animale…).  

Il existe donc de nombreux risques psycho-sociaux pouvant porter atteinte à la santé psychologique des vétérinaires. 

Bilan sur la santé psychologique des vétérinaires 

En 2019, le Conseil National de l’Ordre des vétérinaires et Vétos-Entraide (association 1901 reconnue d’intérêt général faite pour servir les vétérinaires mais aussi leurs proches, leurs familles, leurs relations amicales et professionnelles) ont décidé de lancer une recherche sur la santé psychologique des vétérinaires français. Ce travail a été confié à l’Université de Franche-Comté. Pas moins de 17.5% de la population totale des vétérinaires français a été interrogée : tous les lieux d’exercice, tous les types d’exercice, tous les statuts, tous les départements sont représentés.   

Le rapport à la suite de cette étude a été publié en 2022, et les résultats sont assez alarmants [1]

Le taux d’épuisement professionnel, associé au burn-out, est bien supérieur à la population générale, surtout chez les femmes. A titre d’exemple, les vétérinaires ont un indice d'épuisement émotionnel 1,2 fois supérieur à celui des agriculteurs et 1,5 fois supérieur à celui de l'échantillon de référence de la population générale, qui conduit à un taux élevé de burn-out. 

Les vétérinaires exerçant en milieu urbain, souffrent davantage de burn-out que ceux pratiquant en clientèle rurale ou en élevage industriel. Les salariés présentent un épuisement émotionnel bien supérieur à celui des vétérinaires libéraux, malgré leur amplitude horaire hebdomadaire moins élevée. Leur rémunération ainsi que leur manque de reconnaissance sont au cœur de cette problématique.  

Le taux de suicide est également très élevé chez les vétérinaires par rapport aux autres professions, c’est d’ailleurs ce qui a motivé la réalisation de cette étude.  

4,8% des vétérinaires interrogés ont déclaré avoir eu des idées suicidaires dans les semaines ayant précédé l'enquête. 18,4% ont eu cette envie occasionnellement. 4.7% des vétérinaires interrogés ont réalisé une tentative de suicide dans les années qui précèdent. Ces tentatives caractérisent davantage les femmes (5.3 %) que les hommes (3.3 %). Les vétérinaires qui exercent seuls en libéral ont significativement réalisé plus de tentatives de suicide que les autres. Point important à souligner, on note une corrélation entre nombre de gardes et d’astreintes, nombre d’heures réalisées par semaine et envies suicidaires. 

On note également que plus d’un tiers des vétérinaires souffre de " workaholisme ", c’est-à-dire une relation de dépendance à leur travail. Cette addiction est fortement associée à la santé psychologique (burnout, idéations suicidaires…) et physique (troubles du sommeil, etc.). 

Ces chiffres élevés de burn-out et d’idées suicidaires doivent donc alerter sur le mal-être global au sein de la profession vétérinaire. La plupart du temps, les vétérinaires souffrant de troubles psychologiques ne consultent pas de médecin. 

Prévenir les risques psycho-sociaux 

La qualité de vie au travail est essentielle pour prévenir l’apparition des risques psycho-sociaux. L’identification des différents facteurs de stress inhérents à la profession permettent de mettre en place des actions ciblées pour favoriser le bien-être des vétérinaires au travail. Bien souvent, le stress ressenti par les employés ne représente qu’un symptôme d’un dysfonctionnement général de l’entreprise. Des mesures, même simples, doivent donc être mises en place. 

Il n’existe pas de solution miracle, et chaque structure doit trouver les mesures qui lui conviennent.  

L’INRS, institut de la santé et de la sécurité au travail, a publié en 2023 des mesures de prévention globales contre le stress, dont certaines peuvent être adaptées aux structures vétérinaires .

  • Adapter la charge de travail en fonction des éléments à la disposition des salariés pour effectuer leur tâche. 

  • Donner la possibilité aux salariés de s’exprimer sur les dysfonctionnements qu’ils repèrent. 

  • Donner la possibilité aux salariés d’utiliser leurs compétences. 

  • Informer régulièrement les salariés sur la stratégie et la marche de de l’entreprise. 

  • Former l’encadrement de manière à leur permettre d’associer les salariés aux décisions les concernant. 

  • Former le personnel à l’introduction de nouveaux outils dans les processus de travail. 

Plus concrètement, l’association Vetos-Entraide propose par exemple un guide d’accueil spécifique pour l’arrivée d’un nouveau collaborateur dans une structure, qui regroupe trois fascicules 

  • un rappel des obligations principales des employeurs à connaître ou prévoir avant tout accueil ; 

  • un guide méthodologique d’accueil ; 

  • un livret à customiser par la structure et à personnaliser à la personne arrivante, apportant des informations essentielles pour bien fonctionner. 

Autres mesures qui peuvent s’avérer essentielles pour détecter des problèmes au sein de l’équipe : la réalisation d’entretiens individuels et de réunions de groupes, avec les vétérinaires et les auxiliaires. Ces moments peuvent permettre à chaque membre de la structure de faire part de ses réflexions, ses doutes, les problèmes qu’il rencontre dans son travail et de discuter ensemble de solutions pertinentes : planification du travail, meilleure répartition des tâches… En cas de difficultés à manager l’équipe, il peut être envisageable de faire appel à des services extérieurs de ressources humaines. 


Les risques psycho-sociaux sont omniprésents dans la profession vétérinaire. Les burn-out et idées suicidaires sont de plus en plus fréquents, notamment chez les femmes et les salariés, et de nombreux facteurs de stress ont été identifiés : surcharge de travail, conflit entre sphère professionnelle et privée, pression financière et charge émotionnelle. En parallèle, de nombreux vétérinaire souffrent de " workaholisme ". Chaque structure doit donc prendre des mesures pour prévenir ces troubles et offrir une bonne qualité de vie au travail pour tous les membres de l’équipe. 

 

Juliette Garnodier 
Dre vétérinaire à Lyon & rédactrice de contenu

 

 

Ressources documentaires et bibliographiques :

[1] Truchot D. “ La santé au travail des vétérinaires : une recherche nationale ”, [En ligne] Disponible sur : www.veterinaire.fr [consulté le : 15 février 2024] 

 

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