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Exercer en France : le parcours du combattant des vétérinaires étrangers

Crédit photo @ catshila - stock.adobe.com
Difficile d’estimer leur nombre. Ils et elles sont vétérinaires, ont obtenu leur diplôme dans un pays étranger (hors Union Européenne, Islande, Lichtenstein, Norvège ou Suisse) et viennent en France avec la volonté d’exercer le métier, au même titre que leurs homologues. Mais si l'on peut croire que les démarches réglementaires pour ce faire sont une formalité, il n’en est rien. Le parcours s’avère souvent fastidieux, pénible, frustrant. Entre persévérance et résignation, l’une d’entre elles, a accepté de témoigner, sous couvert d’anonymat.

Elle a une double nationalité, non française, et a réalisé ses études vétérinaires dans un pays étranger, à des milliers de kilomètres de la France. C'est sur les conseils et recommandations de son maître de stage dans son pays de formation qu’elle décide de rejoindre le territoire français. Un premier contact dont elle se souvient, avec enthousiasme : " J'ai fait mon premier stage dans une clinique située dans l’ouest de la France. J’ai adoré, l’ambiance au sein de l’équipe, la façon dont on m’a transmis le savoir. Par la suite, je suis revenue faire d’autres stages, en clinique puis dans deux centres hospitaliers. À chaque fois, les associés m’ont proposé de postuler pour l’internat. Ça aurait été super, mais j’ai dû décliner à cause de mon statut d’étrangère. " 

 L’école ne pouvait plus prolonger mon contrat et je me suis retrouvée sans travail 

Une première déconvenue qui aurait pu la détourner de son objectif : se spécialiser en cardiologie. Alors qu’elle finit brillamment ses études dans son pays, celle-ci s’intègre au système public français et continue son parcours, déterminée : " J’ai débuté par un internat en école vétérinaire puis j’ai enchainé en tant qu’assistante en cardiologie. Ce furent deux années très enrichissantes bien qu’éprouvantes. À leur issue, l’école ne pouvait plus prolonger mon contrat et je me suis retrouvée sans travail. "

Car pour elle, comme pour tant d’autres, travailler en France, hors du système public, requiert trois conditions, cumulatives, et non des moindres :

 

  1. Disposer de la nationalité française ou de la nationalité d’un pays des états membres de l’UE, de l’espace économique européen (Islande, Lichtenstein, Norvège) ou de la nationalité suisse.

  2. Être titulaire d’un diplôme vétérinaire et, si celui-ci provient d’un pays non mentionné dans la liste ci-dessus, réussir un examen de contrôle de connaissances après dépôt d’un dossier, conforme à l’arrêté du ministère en charge de l’Agriculture.

  3. Maîtriser la langue française.

 

 Le plus compliqué : obtenir la nationalité française 

Face à cette réalité complexe, celle-ci confesse : " Je comprends l’intérêt de cette équivalence de diplôme et sa nécessité. Et même si je n'en ferai que peu d’usage en tant que cardiologue - l’examen est surtout axé sur des notions réglementaires sanitaires - je suis prête à travailler pour. Le plus compliqué est d’obtenir la nationalité française. " Or selon la loi, deux options s’offrent à elle : la déclaration de nationalité ou la naturalisation, toutes deux soumises à différentes conditions.

" Il faut que j’attende d’avoir résidé 5 ans en France. " Une durée raccourcie à 2 ans pour les titulaires d’un diplôme délivré par un établissement d’enseignement supérieur français, ayant accompli deux ans d’études préalables. Mais celle-ci rajoute : " Cette alternative impose que mon parcours, en tant qu’interne et assistante soit reconnu comme tel par l’état français et ce n’est pas si évident. " Et quand surgit la question du mariage, son conjoint étant de nationalité française, celle-ci se rembrunit immédiatement : " Qui a envie de se marier pour de telles raisons ? Je n’ai pas envie que mon conjoint se marie avec moi par peur de me perdre. "

En attendant une potentielle régularisation, celle-ci demeure dans une situation instable et précaire : " J’ai un titre de séjour, valable jusqu’en avril 2024 et renouvelable sous certaines conditions. Pour l’obtenir, je dois travailler et mon contrat doit cocher des prérequis. Si ce n’est pas le cas ma demande peut être refusée. Par exemple, si je veux être à mi-temps, et bosser en parallèle pour mon équivalence, cela n’est pas possible. Par ailleurs, l’offre à laquelle je postule doit exister sur Pôle emploi ou l’APEC. Le système est construit de manière qu’un travailleur étranger ne puisse prendre un poste sans qu’un travailleur français ait pu y prétendre. "

 Je veux rester en France, je veux rester vétérinaire, je suis fière de mon métier 

Face à l’incertitude, aux contraintes psychologiques, financières, les solutions se font rares. Alors que faire… Changer d’orientation ? Retourner au pays ? " J’ai envisagé de repartir là où j’ai fait mes études mais la situation politique actuelle ne me le permet pas. Je pourrais également retourner là où j’ai grandi mais il faut que je passe une équivalence, le NAVLE. Les frais sont trop importants, je ne peux pas l’envisager pour le moment. En France, je ne peux postuler à aucune offre nécessitant un numéro d’ordre. C’est très difficile pour moi car je suis fière d’être vétérinaire et je me suis vraiment investie dans le monde de la cardiologie. J’aurais adoré faire une résidence, devenir spécialiste, transmettre. Y aurais-je encore ma place si un jour je remplis tous ces critères ? "

Et pourtant, en dépit de tous ces obstacles, celle-ci ne veut pas abandonner son rêve. Elle a décidé de persévérer, même si, elle l’admet, les forces viennent à lui manquer : " Je commence à être déprimée, moi qui suis pourtant quelqu’un de très enjouée. Il y a beaucoup d'anxiété, de frustration et de peur de ne pas pouvoir exercer et être auprès de mon conjoint." Son désir de vivre en France, lui, semble intact : " J’ai choisi la France, j’adore ce pays, j'ai envie de me battre pour y rester, d’autant plus que je me suis engagée personnellement avec quelqu’un. "

Pour elle comme pour d’autres, l’avenir demeure donc obscur. Tiraillée entre des considérations personnelles et professionnelles, celle-ci concède : " Peut-être faudra-il que je postule à un autre job qui ne nécessite pas un numéro d’ordre. C’est compliqué à concevoir car ce n’est pas ce qui m’anime au quotidien. "


Alors que le monde vétérinaire fait face à une pénurie de professionnels, l’histoire interpelle. Comment permettre à ces vétérinaires, compétents et désireux de travailler en France, d’exister comme tels ? Faut-il envisager d’assouplir le système ? Examiner certains dossiers, au cas par cas ? Difficile à dire. Entre sentiment d’injustice et résilience, persiste pour ces confrères le désarroi de vivre une telle situation, au dénouement incertain. La fierté d’exercer en tant que vétérinaire semble avoir un prix, reste à savoir lequel.

 

Propos recueillis et mis en forme par Amandine Violé

Vétérinaire

 

Un grand merci à notre consœur qui a accepté de partager avec nous son expérience. Nous lui souhaitons le meilleur pour la suite de son parcours.

Si vous aussi, vous désirez témoigner, n’hésitez pas à nous contacter à bonjour@temavet.fr

 

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