Romain, être ASV, c’est un choix de longue date ?
Romain : Pas exactement ! Si, enfant, je voulais travailler auprès des animaux, je ne connaissais que le métier de vétérinaire. Et ma première expérience n’a pas été très concluante : lors de mon stage de 3ème en clinique, j’ai fait un malaise en assistant à une chirurgie abdominale, et j’ai fini la semaine à l’accueil, persuadé que ce métier n’était pas fait pour moi !
Tu choisis alors une voie totalement différente…
Romain : Oui, j’ai obtenu un DUT en services et réseaux de communication, puis une licence en information et communication. Mais je n’ai pas trouvé d’emploi dans cette branche. Devant la nécessité de gagner ma vie, j’ai un temps travaillé comme barman, puis j’ai été embauché comme hôte de caisse dans une grande enseigne de mode. Après un an, j’ai été nommé responsable adjoint caisse. Mes responsabilités se sont alors amplifiées : je devais assurer la coordination entre les douze caisses, vérifier tous les jours le montant des espèces, résoudre les problèmes, communiquer avec les prestataires techniques (pannes, commandes), former les équipes, commander et contrôler la monnaie et les fournitures administratives, classer les documents administratifs, mettre en place les plannings journaliers et hebdomadaires de l’équipe, gérer les réclamations…
Comment s’est alors opérée ta reconversion ?
Romain : Après trois ans, j’ai réalisé que ce n’était pas mon job, que je voulais un travail que j’aurais envie de faire toute ma vie. J’ai alors cherché une autre orientation tout en continuant à travailler au magasin. J’ai d’abord passé et réussi l’écrit du concours infirmier, mais j’ai arrêté avant l’oral, car à la réflexion je n’avais pas envie de travailler dans le soin aux humains. Ma propre expérience de patient hospitalisé m’avait rendu témoin des nombreuses incivilités auxquelles est exposé le personnel soignant. Je me suis donc orienté vers le soin aux animaux et le métier d’ASV. J’aurais aimé m’inscrire au Gipsa, mais je n’ai pas trouvé de maître de stage et j’ai finalement opté pour un institut privé. Je savais que cette formation me donnerait, en fin d’études, un échelon inférieur, mais aussi qu’elle m’offrirait l’opportunité de visiter des structures différentes lors de plusieurs stages.
Quand as-tu choisi de t’orienter vers la faune sauvage ?
Romain : Assez rapidement en fait. J’ai fait des stages, tout d’abord au service ophtalmologie de l’École nationale vétérinaire d’Alfort ; les Dr vétérinaire C., Dr vétérinaire B. et Dr vétérinaire G. ainsi que l’ASV du service à l’époque m’ont énormément aidé à avancer, m’ont beaucoup appris et ont cru très rapidement en mes compétences ; puis, en hospitalisation et aux urgences, et ensuite au Siamu à l’École nationale vétérinaire de Lyon. Mais mon attrait naturel pour la faune sauvage m’a conduit à faire des stages au Cedaf (maintenant Faune Alfort), où j’ai ensuite travaillé en tant que bénévole. J’ai pu apprendre à faire la diagnose des principales espèces accueillies, à réaliser des contentions adaptées et sécures pour l’animal et pour le manipulateur, à assurer une installation permettant à l’animal de bénéficier d’un bien-être conforme à son espèce, son âge et son état physiologique, à composer des rations alimentaires équilibrées et à réaliser des soins infirmiers de base. J’ai aussi contribué à la formation des nouveaux stagiaires. Et j’ai décidé de continuer dans cette voie, malgré la difficulté.
Dans ton parcours, il y a aussi des rencontres qui t’ont aidé…
Romain : Tout à fait. D’abord grâce au directeur du Cedaf, j’ai pu contacter le Dr vétérinaire M., vétérinaire du ZooParc de Beauval où j’ai effectué deux stages, enrichissant mon expérience de la contention, du nourrissage et des soins sur une grande variété d’espèces, tout en exploitant mes connaissances d’ASV « classique »: nettoyage, désinfection, stérilisation du matériel et des locaux, commande et préparation des médicaments. Puis, j’ai eu la chance de voir aboutir ma demande de stage au zoo de Vincennes, qui privilégie habituellement les soigneurs animaliers, grâce à la Dr vétérinaire L., que mon mail a convaincu de ma motivation. Là aussi, j’ai participé à la fois aux soins aux animaux malades et à leurs bonnes conditions d’entretien. J’y ai rencontré le Dr vétérinaire P., cofondateur du centre de faune sauvage FauneVet à Nantes, et j’ai proposé ma candidature pour un poste d’ASV dans ce centre. Malheureusement, le poste était à pourvoir tout de suite et je n’avais pas fini mes études. J’ai alors postulé au CHV qui héberge dans ses locaux le centre FauneVet, et intégré l’équipe du plateau technique. Grâce au Dr vétérinaire C., j’ai été formé aux particularités de l’anesthésie/analgésie, à sa préparation et à sa surveillance, ce qui m’a passionné. Mais je n’avais pas renoncé à mon intérêt pour la faune sauvage, et parallèlement j’ai travaillé comme bénévole à FauneVet. J’ai pu ainsi accompagner le Dr vétérinaire P. lors de ses interventions dans des zoos ou parcs. Après trois ans, une des vétérinaires de la Réserve de la Haute-Touche (la Dr vétérinaire B.), que j’avais connue lors de l’un de mes stages à Beauval, m’a averti de la création d’un poste d’ASV dans ce parc zoologique, en CDD renouvelable. Pour les deux premiers, j’avais pris un congé sans solde auprès du CHV, puis j’ai démissionné.
Quelles sont les responsabilités et les particularités de ton poste d’ASV en réserve zoologique ?
Romain : La réserve dispose d’une clinique avec un bon niveau d’équipement: salle de soins, salle de chirurgie, échographe, radio numérique, instruments de dentisterie, « gazeuse », oxygène, labo/analyseur de biochimie. Comme un ASV dans une structure « classique », je gère les commandes, assure le nettoyage, la désinfection, la stérilisation du matériel et des locaux, j’assiste les deux vétérinaires dans les soins aux hospitalisés et lors des chirurgies, et réalise des analyses. Mais nous avons affaire à une collection de 1500 animaux, d’espèces aussi variées que tigres, lynx, dholes, gaurs, takins, markhors, suricates, hyènes, gris du Gabon, tortues sulcata, oryx beïsa, oryx algazelles, addax, gnous à queue blanche, loups d’Europe, loups de Mackenzie, lémuriens, tamarins empereurs, grues couronnées, grues du Japon… qui nécessitent chacune une contention, des précautions et des soins particuliers. Et puis nous intervenons aussi sur le terrain, c’est pourquoi malgré la programmation de certaines interventions, les journées sont pleines d’imprévus et jamais identiques! De plus, je suis assistant de gestion de collection, et j’aide à la création et l’entretien de différents « Stud-books » d’espèces, j’aide à la recherche ou au placement d’animaux [2] grâce à un site dédié, à la création d’arbres généalogiques de différentes espèces du parc. Enfin, dans le cadre de travaux de recherche sur la reproduction des animaux en captivité, je participe à la mise en application de différents protocoles pour la conservation des gamètes, l’insémination artificielle, le transfert embryonnaire…
Pour conclure, quels sont les points positifs et éventuellement négatifs ?
Romain : C’est avant tout une très belle expérience : soigner la faune sauvage, avoir des journées toujours différentes, travailler dans une petite équipe, bénéficier d’un cadre de travail exceptionnel, toujours apprendre. Je regrette juste le manque de formations techniques spécifiques pour les ASV de zoos et le fait que certaines ne soient possibles que pour les ASV échelon 5, ainsi que le manque de reconnaissance de notre statut d’ASV à part entière.
Propos recueillis par Claire Allgeyer,
Vétérinaire
[1] Au moment où nous écrivons cet article, on recense, en plus de Romain: quatre ASV au ZooParc de Beauval, deux au zoo de Vincennes, un à la Ménagerie du Jardin des Plantes, un au Centre des primates du CNRS et un au zoo-refuge La Tanière.
[2] Conformément à la loi qui autorise seulement les transferts à titre gracieux ou les échanges.