Une profession exigeante et aux multiples facettes
Être ASV, c’est être au front ! En première ligne avec les clients comme auprès des vétérinaires, la gestion des émotions des autres (mais aussi des votres) est alors un défi quotidien.
Du côté clientèle, l’inquiétude, parfois la détresse, l’incompréhension ou l’énervement voire la colère sont monnaie courante et peuvent déstabiliser les ASV qui reçoivent ce flot d’émotions tout en étant finalement rarement la cause.
Du côté vétérinaire, l’impuissance vis-à-vis de décisions thérapeutiques (guidées par le praticien ou les exigences du client) ou le décès de certains animaux malgré les efforts investis peuvent aussi engendrer de la frustration.
La double casquette profession de soins et profession de services, le tout à un rythme bien souvent effréné, finit donc par créer un véritable yoyo émotionnel quotidien aboutissant à terme à l’épuisement émotionnel.
Des facteurs de risques professionnels mais aussi personnels
Nous ne sommes pas tous égaux par rapport au risque de développer de la fatigue compassionnelle.
Il est logique d’envisager que certains environnements professionnels le favorisent, mais notre nature profonde, notre histoire ainsi que notre ancrage au quotidien jouent également un rôle primordial dans notre capacité à affronter ce risque psycho-social.
Dans leurs thèses respectives, Emmeline Bray [2] et Aurore Bertrand [3] ont cherché à comprendre quels pouvaient être les facteurs de stress pouvant favoriser la fatigue compassionnelle chez les ASV.
Ces « stresseurs », professionnels ou personnels, sont listés dans le tableau suivant :
Notons ici que la délégation d’actes et de responsabilités est, du moins pour certains ASV, un réel facteur de stress du quotidien qui influence donc le risque de fatigue compassionnelle.
Un métier en constante évolution
Le métier d’ASV, relativement nouveau officiellement, est en évolution constante. Dans certains pays comme l’Italie, les États-Unis ou la Grande-Bretagne, les ASV sont davantage considérés comme des infirmiers animaliers et sont amenés à pratiquer des actes vétérinaires comme la pause de cathéter, l’anesthésie, les détartrages ou même parfois les euthanasies.
De tels actes, s’ils étaient réalisés par des ASV en France, seraient aujourd’hui considérés comme de l’exercice illégal de la médecine vétérinaire.
Pourtant, en 2005, François Durand [4] faisait le constat que quotidiennement, certains vétérinaires tendaient à déléguer illégalement ce type d’actes à leurs assistants, faisant reposer alors sur leurs épaules une responsabilité d’autant plus lourde qu’elle est illégale.
En 2017, la Dépêche Vétérinaire révélait même que 80% des vétérinaires interrogés dans leur enquête se disaient favorables à l’évolution des tâches confiées aux ASV [1].
Et pourtant, la modification de la loi, initialement prévu en 2019, peine à voir le jour. En effet, Le projet de loi, bien que séduisant par certains aspects, divise encore malgré tout.
Si l’on peut saluer la perspective d’évolution de carrière, un métier plus attractif, une amélioration de la qualité globale des soins, et surtout un cadre légal protecteur pour les ASV ; certains redoutent le franchissement sans retour de certaines limites. Entre autres l’effacement d’une limite claire entre les actes réservés aux vétérinaires et ceux délégables aux ASV (comme l’effraction de la barrière cutanée), un impact négatif sur l’emploi des jeunes vétérinaires non expérimentés et la possibilité pour les ASV de s’installer en libéral (en théorie non prévu dans le projet de loi actuel).
Finalement, beaucoup de vétérinaires, sans être franchement opposés au projet de loi, réclament surtout un cadre législatif clair, précisant notamment les points les plus délicats.
Alors, l'ASV du futur sera-t-il mieux protégé ?
L’absence de cadre législatif à ce jour crée indéniablement un stress (vis-à-vis des sanctions juridiques encourues comme vis-à-vis des exigences de l’employeur), un sentiment d’insécurité, de la peur et un manque de confiance en ses capacités.
« Moins j’ai confiance, plus j’ai peur » / « Plus j’ai confiance, moins j’ai peur »
Dans le futur modèle d’exercice, beaucoup d’évolutions permettraient de réduire significativement certains facteurs de risque de développement de fatigue compassionnelle. Nous pouvons citer notamment : une plus grande autonomie au travail amenant une meilleure satisfaction et donc une fidélisation des ASV en poste. Mais la délégation de certains actes vétérinaires augmenterait également la surcharge de travail, le poids des responsabilités pesant sur l’ASV et la charge émotionnelle forte en cas, par exemple, de pratique régulière des euthanasies. La délégation d’actes n’est donc pas uniquement synonyme d’amélioration du métier. Elle présente aussi un revers de la médaille à ne pas négliger.
Le tableau ci-dessous, proposé par Emmeline Bray [2], reprends point par point les impacts concrets du projet de loi sur le quotidien des ASV :
Le métier d’ASV, à la fois essentiel et universel, est également unique en son genre. Sa nouveauté sur le plan législatif en fait sa force mais également sa faiblesse. L’absence parfois de corrélation entre les textes de loi et la réalité dessinent des contours flous qui peuvent être le nid d’une fatigue compassionnelle destructrice. Mais le projet s’affine et se construit peu à peu pour une évolution prochaine du métier, nous l’espérons, en adéquation avec les attentes et besoins de chacun. Prenez soin de vous !
Anne-Sophie Richard,
Vétérinaire
Ressources documentaires et bibliographiques
[1] P. Mathevet. Apprivoiser ses émotions ou « les émotions sont nos amies », 2022 ;
[2] E. Bray. Risques psychosociaux et fatigue compassionnelle chez les auxiliaires vétérinaires françaises : une analyse prospective au regard de la délégation d’actes en pratique canine, 2021, [En ligne]. Disponible sur : https://doc-veto.oniris-nantes.fr/GED_CHN/197366891554/na_21_124.pdf [Consulté le : 9 février 2023] ;
[3] A. Bertrand. Les facteurs de stress en cabinet vétérinaire, 2014, [En ligne]. Disponible sur : https://theses.vet-alfort.fr/telecharger.php?id=1793 [Consulté le : 8 janvier 2023] ;
[4] P. Durand. L’acte vétérinaire. Conseil général vétérinaire, 2005.