Se connecter

Quel est le véritable impact écologique des chiens et des chats ?

Crédit photo @ Chalabala - stock.adobe.com
En 2022, la France comptait 15 millions de chats et 7,6 millions de chiens. C’est ainsi 43% des foyers français qui possèdent au moins un animal de compagnie ! Et, ces derniers temps, on entend régulièrement parler dans les médias de leur impact sur l’écologie et la biodiversité. Le politologue François Gemenne, membre du GIEC, affirmait en décembre que " le chat est une catastrophe pour la biodiversité, le chien est une catastrophe pour le climat ". Les propriétaires s’interrogent alors : est-ce que posséder un animal est mauvais pour la planète ? Et si oui, comment réduire cet impact ? Voici quelques clés pour leur répondre. 

Les animaux de compagnie, notamment les chiens et les chats, ont un impact écologique significatif. Plusieurs études scientifiques ont estimé cet impact sous différents angles, incluant la production de nourriture pour animaux, les émissions de gaz à effet de serre, les conséquences de la chasse sur la biodiversité, la gestion des déchets… Mais, s’il est indéniable que les animaux domestiques exercent une pression certaine sur l’écologie, ils ont pourtant des effets positifs significatifs sur la santé humaine ou encore sur le développement des enfants. Se passer totalement d’eux ne semble donc pas être une solution, mais quelques approches intéressantes permettent de limiter leur impact sur sur notre planète. 

Alimentation et empreinte carbone 

L'empreinte carbone de l'alimentation des animaux de compagnie, tout comme celle des humains, est une problématique environnementale de plus en plus étudiée, tant en France qu'à l'international. Et pour cause.  

En France, une étude a montré que la nutrition des animaux de compagnie représente une part significative des émissions de gaz à effet de serre du secteur de l'alimentation. Les croquettes et autres aliments pour chiens et chats, riches en viande, sont particulièrement énergivores. Une analyse du cycle de vie de l'alimentation des animaux a révélé en 2020 que chaque chien produit environ 8300 kg de CO2 équivalent au cours de sa vie, principalement en raison de la production de viande nécessaire à sa nutrition.  

 À l'international, une étude publiée en 2017 a estimé que la consommation de viande par les animaux de compagnie aux États-Unis génère environ 64 millions de tonnes de CO2 éq. par an, soit l'équivalent des émissions de 13,6 millions de voitures. Les animaux de compagnie consommeraient d’ailleurs environ 25 à 30% de la viande produite aux États-Unis, ce qui entraîne une empreinte écologique importante. 

Ces chiffres peuvent néanmoins être relativisés. En effet, comme le rappelle le docteur vétérinaire Sébastien Lefebvre, maître de conférences en alimentation et nutrition animale à VetAgro Sup, " dans les croquettes, on retrouve ce qu'on appelle des coproduits. [...] On y trouve beaucoup de choses qu'on ne mange pas nous en tant qu'êtres humains : des tripes, du cœur, de la viande non valorisée ". Cette viande n’est donc pas produite dans le but de nourrir les animaux, ce sont simplement les restes de la production préexistante destinée aux humains. L’impact carbone de cette production n’est donc pas totalement imputable à la nutrition animale. Mais attention, si cet argument est correct d’un certain point de vue, nous ne devons pas oublier que la valorisation financière de ces coproduits pour la nutrition animale, participe à la rentabilité de la filière qui, de ce fait, est incitée à continuer sa production.  

La chasse et ses conséquences sur la biodiversité 

Le chat, lorsqu’il a accès à l’extérieur, a un impact direct sur la biodiversité par son activité de prédation. Cette affirmation s’applique également, mais dans une moindre mesure, au chien. 

Si l’on parle souvent de l’impact des chats, notamment errants, sur la population d’oiseaux, une étude réalisée par le Muséum national d'Histoire naturelle et la Société Française pour l'Étude et la Protection des Mammifères (SFEPM) a révélé que les chats domestiques tuent en pratique principalement des petits mammifères (68%) et, dans une moindre mesure, des oiseaux (22%). Cette activité de prédation affecte en partie des espèces protégées comme l'écureuil roux et le lérot. La pression sur la biodiversité exercée par les chats vient donc s'ajouter aux menaces existantes telles que l'urbanisation et l'utilisation de pesticides, qui dégradent les habitats naturels et diminuent les populations d'insectes nécessaires aux oiseaux​​. D’ailleurs, si la collecte de données de cette étude est toujours en cours, il parait important de rappeler que l’extinction des oiseaux est principalement imputable à la disparition des insectes secondairement à l’usage de pesticides. 

À l'international, les chats domestiques et errants tuent chaque année entre 1,4 et 3,7 milliards d'oiseaux et 6,9 à 20,7 milliards de petits mammifères aux États-Unis, selon une étude publiée dans Nature Communications en 2013. Une autre étude menée sur les espèces invasives publiée en 2016 indiquait que les chats avaient causé l’extinction de 63 espèces de mammifères, d’oiseaux et de reptiles dans le monde ces 500 dernières années. La faune endémique des îles demeure la plus vulnérable. Ayant évolué depuis des millénaires en l’absence du chat, elle n’a pas eu le temps de développer des stratégies de survie. 

Enfin, une étude récente, parue en mai 2023, rappelle que les causes les plus importantes de déclin des populations d’oiseaux sont l’agriculture intensive, la diminution de la couverture forestière, l’urbanisation et la hausse des températures. L’impact des chiens et des chats sur la biodiversité est certes réel, mais ne semble pas prépondérant ! Pour autant, il ne faut pas l’ignorer. La gestion des populations de chats et de chiens, notamment errants à travers le monde, reste nécessaire.  

La gestion des déchets 

La gestion des déchets produits par les chiens et les chats est également une question à aborder. 

En France, on estime que les chiens produisent environ 200 000 tonnes de déjections chaque année, la plupart étant laissées dans l'environnement ou collectées sans traitement spécifique généralement à l’aide de sacs plastiques à usage unique. Ces déchets contiennent des pathogènes, des nutriments et éventuellement des traces de médicaments qui peuvent contaminer les sols et les cours d'eau, contribuant à la pollution des eaux​. 

Une étude de 2020 a révélé que les déjections canines jouaient un rôle non négligeable dans la contamination fécale de l’eau, un phénomène particulièrement marqué après des épisodes pluvieux. Les chercheurs ont prélevé des échantillons d’eau avant, pendant et après ces évènements. En période sèche, le taux de contamination avoisine les 22%, et il augmente jusqu’à 74% avec la pluie. Cette contamination des eaux de pluie a des conséquences directes sur la qualité de l’eau. Les matières fécales contiennent une variété de bactéries, de parasites et de molécules médicamenteuses qui peuvent être nocifs pour la santé humaine et celle des écosystèmes aquatiques. En effet, elles peuvent perturber l’équilibre des écosystèmes, en affectant la faune et la flore.  

Quelques solutions pour atténuer ces impacts sur l’environnement 

Quelques pistes commencent à émerger pour limiter l’impact individuel des animaux sur l’environnement. 

Au sujet de l’alimentation, Charlotte Devaux explique que " ce sont les choix des humains qui vont avoir un gros impact sur les impacts de l'animal. En fonction de l'alimentation, l'effet va être 30 fois plus élevé ou plus bas ". Il n'y a pas de régime idéal pour l’empreinte carbone, même si les croquettes sont plus intéressantes que la pâtée qui aura un impact plus important car plus lourd à transporter. Les marques, de leur côté, essaient de remplacer une partie de la viande par des protéines d’origine végétale dans leurs recettes, ce qui semble un bon choix. Choisir un aliment produit localement est également important, et nous avons de la chance : 80% de la petfood consommée en France est produite dans l'hexagone !   

Concernant l’impact des animaux sur la biodiversité et notamment celui des chats, il est nécessaire d'arrêter de les introduire sur des territoires où ils n’existaient pas. Il est également possible de limiter les sorties de son animal pendant les périodes sensibles pour les oiseaux (nidification) ou après les tempêtes, pour laisser le temps à la faune de se remettre. Il est bien évidemment également recommandé de stériliser les chats pour éviter leur prolifération 

À propos de la gestion des déchets, il n’existe pas de solution idéale. Pour les déjections de chat, il faut jeter les excréments et la litière non biodégradable dans les ordures ménagères, en les mettant dans un sac plastique fermé à défaut de mieux. Pour la litière biodégradable, il faut suivre les instructions du fabricant, généralement le compostage est possible selon les règles locales, sinon, il faut la mettre également dans les ordures ménagères. Et concernant les déjections de chiens : bien éduquer les propriétaires à les ramasser et à les jeter, et ce, en toutes circonstances ! À notre niveau, nous avons un rôle à jouer via une utilisation raisonnée des médicaments en gardant à l’esprit le devenir et l’impact des molécules absorbées par nos animaux. 

Enfin, et c’est peut-être l’axe de réflexion majeur, une prise de conscience collective sur la population animale d’animaux domestiques semble importante. Afin de réduire l’impact des animaux domestiques, il semble cohérent de penser que de limiter leur nombre est essentiel. Penser en termes de bénéfice/impact, un peu comme l’on pense aux bénéfices/risques des vaccins, nous amène à repenser notre rapport à l’animal domestique. A-t-on besoin de " posséder " plusieurs chats par foyers ? Ne pourrait-on pas imaginer bénéficier des effets positifs des animaux sans pour autant tous en posséder ? Une sorte d’économie circulaire de l’animal domestique peut être pensée. Bien sûr, à l’instar des jeunes adultes qui réfléchissent à l’impact écologique de leurs futurs enfants, cela nous demanderait certains sacrifices individuels au profit de la collectivité et de la planète. 

Juliette Garnodier 
Dre vétérinaire à Lyon & rédactrice de contenu

 

Ressources documentaires et bibliographiques :

[1] Yavor, K.M.; Lehmann, A.; Finkbeiner, M. Environmental Impacts of a Pet Dog: An LCA Case Study. Sustainability 2020, 12, 3394. [En ligne] Disponible sur : https://doi.org/10.3390/su12083394 [Consulté le 23 juillet 2024]

[2] Okin GS (2017) Environmental impacts of food consumption by dogs and cats. PLOS ONE 12(8): e0181301. [En ligne] Disponible sur : https://doi.org/10.1371/journal.pone.0181301 [Consulté le 23 juillet 2024]

[3] FACCO rapport annuel, 2022. [En ligne] Disponible sur : https://perma.cc/D2KR-RDW3 [Consulté le 23 juillet 2024] 

[4] Loss, S., Will, T. & Marra, P. The impact of free-ranging domestic cats on wildlife of the United States. Nat Commun 4, 1396 (2013). [En ligne] Disponible sur : https://doi.org/10.1038/ncomms2380 [Consulté le 23 juillet 2024]

[5] Tim S. Doherty, Alistair S. Glen, Dale G. Nimmo, Chris R. Dickman Invasive predators and global biodiversity loss, 2016, [En ligne] Disponible sur : https://doi.org/10.1073/pnas.1602480113 [Consulté le 23 juillet 2024]

[6] Stanislas Rigal, Vasilis Dakos, Hany Alonso Farmland practices are driving bird population decline across Europe, 2023, [En ligne] Disponible sur : https://doi.org/10.1073/pnas.2216573120 [Consulté le 23 juillet 2024]

[7] Climate Change Cluster, Faculty of Science, University of Technology Sydney Microbial source-tracking to assess water quality issues at Rose Bay, 2020 [En ligne] Disponible sur https://www.environment.nsw.gov.au/research-and-publications/publications-search/microbial-source-tracking-to-assess-water-quality-issues-at-rose-bay [Consulté le 23 juillet 2024] 

 

La rédaction vous conseille

La newsletter qui décrypte le monde vétérinaire autrement

Pour les vétérinaires curieux qui n'ont pas le temps de l'être : tous les mois, des articles, des histoires, des jobs et des conseils qui donnent le sourire.

Avenir de la profession

Presse vétérinaire

Ça vous intéresse

Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15