Le 14 octobre dernier, le monde fêtait le vet nurse day, le jour international des auxiliaires vétérinaires. Une occasion en or saisie par la profession vétérinaire pour rappeler haut et fort l’importance quotidienne des auxiliaires en pratique clinique. C’est autour d’une table ronde dédiée au binôme ASV/vétérinaire que les témoignages émouvants d’ASV et de vétérinaires se sont succédés. Un dialogue poignant autour de différentes thématiques : la délégation des fonctions supports, les causes des reconversions professionnelles des assistant(e)s ou encore les possibilités d’association des auxiliaires. Cet événement a même été le théâtre d’annonce d’avancées ordinales fortes en matière de délégation des actes vétérinaires. Retour sur une table ronde hors du commun organisée par Dr Patounes au Forum Ergone.
ASV / Vétérinaires : un binôme indispensable ?
Le jeudi 13 octobre dernier s’est tenue une table ronde intitulée : “ASV/Vétérinaire, un binôme indispensable ?”. Organisée par Dr Patounes, elle précédait la cérémonie de remise du Trophée Vet Nurse Day. Cette discussion a eu lieu dans l’amphithéâtre du Musée des Confluences (Lyon) lors du Forum annuel d’Ergone. Près de 200 vétérinaires et ASV ont ainsi assisté à ce dialogue. Quatre intervenantes du monde vétérinaire ont pu donner leur point de vue pendant une quarantaine de minutes :
- Julie Antonia, ASV manager de deux cliniques en région parisienne ;
- Stéphanie Evrard, ASV et community manager dans une agence de création de contenus vétérinaires ;
- Adeline Sitbon, docteure vétérinaire associée de deux structures près de Lorient et élue ordinale de la région Bretagne ;
- Hélène Létard, docteure vétérinaire associée d’un réseau d’urgence et de régulation téléphonique.
L'importance de l'équipe vétérinaire
Les expériences variées des 4 intervenantes ont légitimé leurs différentes interventions.
Stéphanie a été ASV pendant près de 20 ans au sein de structures de taille variée. Elle a finalement obtenu un double diplôme de community manager afin de dynamiser la communication de sa structure.
Julie possède un curriculum vitae semblable. Après plusieurs années de pratique, elle passe une licence en gestion et management. Ce diplôme lui permet aujourd’hui d’être manager de deux équipes vétérinaires.
Hélène, quant à elle, a exercé à domicile et a dû s’adapter à la pratique du terrain sans auxiliaire. “Et là, on se rend compte que c’est un vrai métier d’être ASV”.
Adeline, enfin, a connu plusieurs années de pratique sans ASV avant d’appartenir à une équipe : ”L’équipe, c’est super important {…} Que ce soit au niveau ASV ou vétérinaire, pour moi une équipe, c’est une équipe. Il n’y a pas de différenciation, la communication doit passer par tous.”
Adeline rappelle également que travailler sans ASV n’est pas toujours une volonté. Si certains vétérinaires choisissent l’exercice solitaire, d’autres ne peuvent tout simplement pas se permettre d’avoir un(e) salarié(e).
Renforcer le binôme en déléguant les fonctions supports aux ASV
A l’unanimité, Stéphanie, Julie, Adeline et Hélène ont soulevé les avantages de la délégation des fonctions supports aux ASV.
“Diminuer la charge mentale, pour nous consacrer à un travail plus vétérinaire, parce qu’elles sont demandeuses aussi de s’impliquer. Et sans elles, nous ne sommes rien, donc nous sommes contents de leur donner des responsabilités. ” selon Adeline. Pour Hélène, ”il y a des profils différents. Cela valorise {…} ce qu’elles sont, leurs personnalités. Et cela nous fait gagner du temps.”
Julie, quant à elle, estime que les fonctions support permettent “une perspective d’évolution du métier d’ASV. Même si j’adore mon métier, cela permet une évolution et ça c’est top ! Cela permet de décharger les vétos et qu’ils puissent se re-concentrer sur leur métier. Les ASV connaissent le milieu véto en entreprise et ont donc l’aspiration à faire ce genre de tâches.”
Stéphanie appuie à son tour les propos de Julie : “Elles (les ASV) sont demandeuses. Ce sont des tâches pour lesquelles elles ont de l’attrait et vont donc le faire très très bien. Quand on avance dans sa carrière, on désire faire des tâches différentes {…}. Et développer ses compétences.”
Julie et Stéphanie ont un point commun : un double diplôme. Toutes les deux ont eu le courage de reprendre leurs études. Toutes les deux ont des responsabilités que la plupart des ASV n’ont pas. Et enfin, malgré tout leur mérite, toutes les deux ont eu la chance d’avoir rencontré des vétérinaires qui ont cru en elles et en leurs capacités. Cela nous conduit à une problématique essentielle pour l’avenir du binôme ASV-Vétérinaire : l’évolution des auxiliaires.
52 % des ASV reconverti·e·s estiment que leur vétérinaire aurait pu les faire changer d'avis
Notre consœur Ariane Vasseur s’est intéressée dans son travail de thèse [1] à la reconversion professionnelle des ASV. Selon son étude, 52% des ASV reconverties auraient pu rester dans la profession si leur vétérinaire avait agi différemment. A l’évocation de ce pourcentage, Julie et Stéphanie ne sont pas étonnées. “Il faut nous écouter, voir quelles perspectives nous voulons avoir dans la société” selon Julie. Stéphanie, quant à elle, témoigne : “Je le vois dans les groupes ASV privés sur Facebook, des personnes passionnées par leur travail. On leur en demande de trop. Fatiguées, usées, elles réfléchissent à une reconversion mais avec le cœur serré. »
En effet, selon Ariane Vasseur, les trois principales causes de reconversion sont les suivantes :
- l’absence de perspectives d’évolution ;
- le manque de reconnaissance de la part des vétérinaires ;
- le salaire jugé insuffisant.
“Il faut qu’on s’entre-valorise, il faut que les vétos valorisent leurs ASV. Vous êtes importants pour nous, il faut que vous le sachiez. On vous en remercie tous les jours.“ selon Adeline qui termine la table ronde en annonçant d’importantes nouvelles ordinales : “Dans les années à venir il y aura des évolutions. Au niveau ordinal, il y a des modifications du code de déontologie qui vont être faites pour pouvoir autoriser légalement la délégation de certains actes vétérinaires aux ASV. On parle de législatif, d’administratif, donc quand on dit que la loi va changer en 2023, il faut prendre en compte le temps qu’il y ait des décrets, des contrôles…” Un changement de la législation qui va prendre du temps, mais qui est maintenant sur la table.
Et vous, seriez-vous prêt·e à vous associer avec un·e ASV ?
Lors de la séance de questions, un jeune vétérinaire a interrogé l’assemblée : “Y-a-t-il quelqu’un dans la salle qui serait prêt(e) à prendre un(e) ASV comme associé(e) ?” Le Dr Deschamps, vétérinaire associé avec Julie, a immédiatement pris la parole : “Julie est quelqu’un de formidable, sans nos ASV nous n’existons pas. On n’est rien. Si vous avez quelqu’un qui sort du lot et que vous pouvez l’aider à grandir, c’est formidable. Je voulais vraiment l’avoir comme associée. Ce n’est pas tout de dire aux gens qu’ils sont formidables, il faut leur prouver. Julie est passée cadre, elle évolue et continuer d’évoluer. Elle me l’a rendue au centuple.”
A la suite de ce témoignage touchant, la question a été reposée à l’assemblée. Ce sont alors une bonne quinzaine de mains qui se sont levées, soit autant de vétérinaires prêt(e)s à associer un(e) de leurs ASV.
Cette table ronde a été forte en émotion. De nombreux ASV ont été touché(e)s par les propos tenus : des déclarations jamais entendues auparavant pour la plupart d’entre eux. En réponse au titre interrogateur de la table ronde, il semblerait que le binôme ASV/vétérinaire soit devenu indispensable pour bon nombre de vétérinaires. Est-ce le signe d’un changement des mentalités ? Quelqu’en soit la raison, les langues se délient en faveur de la reconnaissance des auxiliaires vétérinaires.
Marie Tanguy,
Vétérinaire co-fondatrice de Dr Patounes et Louveto
Ressources documentaires et bibliographiques :
[1] A. Vasseur, Les causes de reconversions professionnelles chez les ASV, Thése vétérinaire 2021 [En ligne]. Disponible sur : http://bibliotheque.vet-alfort.fr [Dernière consultation le : 18 novembre 2022].