Liliana Rolfi, docteure vétérinaire, clinicienne anesthésiste à Atlantia
Les animaux domestiques, notamment les chiens, présentent une grande variabilité phénotypique. Lors de l’anesthésie, il est crucial donc d’adapter les protocoles aux spécificités de chaque race. Cependant, il est nécessaire aussi de réfuter les croyances anecdotiques sur leur sensibilité aux médicaments.
Certaines lignées de boxers britanniques montrent parfois une sensibilité accrue à l'acépromazine, pouvant entraîner une hypotension marquée et une bradycardie (Posner, 2019). Cette particularité ne semble pas rapportée dans les lignées françaises.
Les chiens brachycéphales sont prédisposés à des problèmes gastro-intestinaux et respiratoires.
Ils souffrent généralement d’un syndrome obstructif chronique des voies respiratoires. Cette condition peut augmenter l’effort inspiratoire et la pression négative intrathoracique. Ces chiens présentent donc un risque accru de complications péri-anesthésiques, notamment le développement de pneumonie par fausse déglutition, de régurgitations et de détresse respiratoire (Costa et al., 2020).
Pour limiter ces risques, on peut utiliser l'oméprazole et le métoclopramide avant l'anesthésie (Costa et al., 2020). L'administration de maropitant est aussi efficace pour réduire les risques de vomissement.
En prémédication, l'utilisation d'un opioïde peut être associée à une molécule sédative telle que l'acépromazine, qui possède des propriétés sédatives, anxiolytiques et antiémétiques. La dexmédétomidine est également un agent prémédicant efficace qui peut être utilisée avec un opioïde chez ces chiens. Elle a un effet sédatif plus marqué, mais il n'y a pas de différences dans la qualité du réveil de l'anesthésie par rapport à l'acepromazine (Petruccione et al., 2021). Chez les brachycéphales les plus agités, l'utilisation d'agonistes alpha-2 à très faible dose (1-2 mcg/kg IV) n'est pas contre-indiquée.
Les chiens brachycéphales peuvent perdre rapidement la perméabilité de leurs voies respiratoires après la sédation. Il est donc recommandé de procéder à une intubation rapide afin de prévenir les phénomènes de régurgitation et de désaturation. En raison de l'hypoplasie trachéale et du palais mou allongé, l'intubation peut être plus difficile que chez d'autres races de chiens (utiliser un laryngoscope et préparer plusieurs sondes endotrachéales de différentes tailles afin de pouvoir réagir vite !). Il faut aussi maintenir l’hydratation des yeux , car ce sont des sujets qui présentent des cornées très délicates et une production lacrymale réduite. On peut utiliser des produits tels que des gel oculaires .
Les lévriers sont des chiens qui présentent un déficit de l'enzyme cytochrome P450 microsomale nécessaire au métabolisme des barbituriques et du propofol.
Actuellement, le tiopental n'est plus utilisé comme inducteur, mais il faut se rappeler que bien que le propofol puisse être facilement utilisé par bolus pour l'induction chez les lévriers, il peut induire un réveil prolongé lors des perfusions continues (TIVA et TCI).
Chez ces chiens, il est indispensable de surveiller attentivement la glycémie et la température, car elles sont sujettes à l'hypoglycémie et à l'hypothermie de part leur taille.
Les races nordiques semblent être plus sensibles à un réveil dysphorique et agité en cas de prémédication avec des opioïdes agonistes purs.
Les retrievers sont sensibles à la dysphorie induite par le butorphanol (Epstein, 2015).
Dans ce cas, pour favoriser un bon réveil, on peut administrer par voie intraveineuse 1 microgramme/kg de dexmédétomidine avant de déconnecter le patient de l'isoflurane.
Certaines races de chien peuvent avoir une mutation du gène MDR1, ce qui peut provoquer une réaction, une augmentation de l’intensité d’effet produit par certains médicaments.
Un protocole anesthésique sûr pour les chiens porteurs de la mutation MDR1 consiste en une réduction de 50 % de la dose normale des médicaments impliqués : le butorphanol et l'acepromazine.
Il est aussi possible d'opter pour un protocole sans ces molécules. Il est recommandé de tester ces chiens. Pour rappel, l’intensité et la durée de l’effet de ces médicaments sont liés au statut hétérozygote ou homozygote des individus.
Les chats présentent peu de particularités anesthésiques raciales.
Les races sans poils sont sensibles à l’hypothermie.
De façon anecdotique, dans des revues en ligne dédiées aux chats Sphinx, des décès de ces animaux lors de procédures de routine sont rapportés. Actuellement, il n'existe aucune preuve dans la littérature scientifique que la kétamine soit contre-indiquée chez ces chats (si ils sont en bonne santé et exempts de cardiomyopathies). La ketamine ne semble pas augmenter le risque de mortalité péri-anesthésique.
Pour les chats brachycéphales,il faut éviter les sédations profondes, prévoir plusieurs tailles de sondes et appliquer des lubrifiants oculaires, comme pour les chiens brachycéphales.
L’autrice déclare ne présenter aucun conflit d’intérêt qui pourraient influencer ou biaiser de manière inappropriée le contenu de l'article.
Mise en ligne le : 14 janvier 2025
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