Adelaïde Baert, docteure vétérinaire, Praticienne hospitalière des animaux de ferme de l'EnvA
Entre un arsenal thérapeutique restreint et la difficulté de devoir parfois réaliser ces opérations directement en exploitation, dans un contexte potentiellement d’urgence, l’anesthésie du veau reste un défi pour le praticien. Et pourtant, de nombreuses interventions chirurgicales sont couramment réalisées chez les veaux (chirurgie ombilicale, digestive, énucléation, pose d’un fixateur externe, castration…).
En France, l’éventail des molécules autorisées pour l’anesthésie des ruminants est réduit. Il ne comprend que deux α2-agonistes (la xylazine et la détomidine), le butorphanol (dans le cadre de la cascade de prescription), la kétamine et l’isoflurane. Pour une anesthésie locale ou loco-régionale, la procaïne à 2 % est la seule, à ce jour, à posséder une AMM. La lidocaïne est encore malgré tout fréquemment utilisée sur le terrain.
Association xylazine/kétamine
L’association xylazine/kétamine permet de réaliser des anesthésies :
- de courte durée (15min) par voie IV (xylazine 0,05-0,1mg/kg + kétamine 2mg/kg)
- de moyenne durée (40min) par voie IM (xylazine 0,1-0,2mg/kg + kétamine 4-6mg/kg)
Il est possible de prolonger ces anesthésies par des bolus de demi-doses de kétamine et de xylazine. En raison de l’impact négatif sur les fonctions respiratoires, il est conseillé de limiter les bolus de xylazine (surtout par voie IV). Ces bolus augmentent également le temps de récupération.
On privilégie ce protocole pour les chirurgies courtes et chez les veaux en bonne santé. De plus, en raison du pouvoir analgésique modeste de ce protocole, il est conseillé de le coupler avec une anesthésie locale ou loco-régionale appropriée.
Association xylazine/kétamine/butorphanol
Un protocole utilisant l’association xylazine/kétamine/butorphanol a été développé sous le nom de « Ketamine stun », pour des interventions nécessitant un haut degré d’analgésie sur animal couché (castration, lavage articulaire…). Nous présentons ce protocole légèrement modifié pour une plus grande facilité d’utilisation sur le terrain :
- dans une même seringue : xylazine 0,025-0,05mg/kg + butorphanol 0,05mg/kg + kétamine 0,3-0,5mg/kg
- décubitus obtenu environ une minute après injection IV
- si insuffisant : demi-dose de kétamine + demi-dose de xylazine
L’analgésie systémique est maximale dès le décubitus et décroit avec le temps. La durée d’intervention permise est d’environ 15 minutes.
Cette association est également possible en IM (xylazine 0,05 mg/kg + butorphanol 0,025 mg/kg + kétamine 0,1 mg/kg). Le décubitus est obtenu en 3 à 10 minutes et durera 45 minutes mais le degré d’analgésie ne sera pas suffisant, il faudra utiliser une technique d’anesthésie locale ou loco-régionale en complément.
Anesthésie volatile
L’induction est réalisée avec l’un des protocoles ci-dessus. Avec un circuit réinhalatoire, le débit d’O2 nécessaire est de 1,5L à 2L en fonction de la taille du veau et un pourcentage de 2 % de produit anesthésiant est souvent largement suffisant pour maintenir le niveau de profondeur d’anesthésie nécessaire. Une bonne surveillance per-anesthésique permettra d’adapter le débit.
Pré-anesthésie
- mise à jeun d’un veau non sevré : suppression d’un seul repas lacté ;
- vérifier l’absence d’acidose métabolique ou respiratoire, d’hypoglycémie ou de déshydratation et de troubles ioniques avant la chirurgie ;
- placer un abord veineux pour les chirurgies de moyenne et longue durée ;
- peser l’animal avant intervention pour éviter les surdosages d’anesthésiques.
Per-anesthésie
- veau couché sur un matelas ou une couverture (pas sur une surface froide) afin d’éviter l’hypothermie ;
- prévoir une prise de température régulière en cours d’intervention, ainsi que du matériel permettant de réchauffer l’animal (bouillotes, lampe infra-rouge) ;
- administrer un soluté contenant du dextrose ou du glucose en perfusion pour toute chirurgie de durée modérément longue car un veau est rapidement en hypoglycémie.
Post-anesthésie
- choisir un protocole d’anesthésie/analgésie optimal comprenant une anesthésie loco-régionale, si possible avec des sédatifs aux propriétés analgésiques, afin de lutter contre le stress et la douleur per et post-opératoire immédiate, mais aussi un anti-inflammatoire non stéroïdien, pour prolonger l’effet analgésique ;
- s’assurer de la reprise rapide du transit digestif après l’intervention. Dès que le veau est capable de se tenir debout, proposer un petit repas de lait (0,5L à 1L de lait maximum au début, toutes les 4 à 6 heures).
L’autrice déclare ne présenter aucun conflit d’intérêt qui pourraient influencer ou biaiser de manière inappropriée le contenu de l'article.
Mise en ligne le : 2 juillet 2024
Identifiez-vous
Mot de passe oubliéVous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?
Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15