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Préserver son dos en clinique vétérinaire : est-ce mission impossible ?

Crédit photo @ felixmontana - Shutterstock.com
Le mal de dos, surnommé le " mal du siècle ", est une réalité grandissante qui touche de nombreux professionnels soumis à des contraintes physiques importantes. Pour preuve, entre 2005 et 2017, la part des accidents du travail liés aux lombalgies a bondi de 13 à 20% selon l'Assurance Maladie [1]. Si les vétérinaires ne figurent pas parmi les professions les plus exposées, ils n’en sont pas davantage épargnés.

Les répercussions du mal de dos vont bien au-delà de la douleur ressentie de manière individuelle : elles affectent bien sûr la santé des praticiens mais aussi l’organisation du travail au sein des structures vétérinaires et inévitablement la qualité des soins prodigués aux animaux. Car pour bien soigner, il est essentiel que les vétérinaires et leurs équipes puissent préserver leur propre intégrité physique.  

Abordons ensemble les principaux facteurs de risque ainsi que les conséquences du mal de dos à l’échelle individuelle et plus largement à l’échelle de l’entreprise. Pour autant, bonne nouvelle, le mal de dos n’est pas une fatalité ! De nombreux leviers existent pour prévenir ces troubles et améliorer le quotidien des professionnels de la santé vétérinaire. Alors pourquoi ne pas agir dès aujourd’hui ?  

Un problème multi factoriel  

Depuis 1992, chaque métier est soumis à une obligation réglementaire d’évaluer les risques professionnels qui pourraient porter atteinte à la santé et à la sécurité des travailleurs. Cette analyse repose sur plusieurs critères : la gravité du risque, sa fréquence d’apparition, les facteurs qui le favorisent et son éventuelle chronicité. 

Dans le milieu vétérinaire, de nombreux éléments du quotidien professionnel contribuent à l’apparition des troubles musculosquelettiques, et notamment du mal de dos. Ce problème ne se limite pas aux praticiens, il concerne l’ensemble du personnel soignant et non soignant.  

Les gestes répétitifs, les postures contraignantes et prolongées, ainsi que la manutention régulière d’animaux ou de matériel lourds sont autant de contraintes qui augmentent le risque de douleurs dorsales. Par ailleurs, la contention des animaux expose les professionnels à des mouvements traumatisants comme des chocs et des compressions, aggravant encore la situation. L’absence de mobilier ergonomique et le manque de formation aux techniques de portage accentuent ces difficultés, rendant les tâches quotidiennes plus éprouvantes [2].  

À cela s’ajoute un facteur individuel, chaque personne ayant une sensibilité propre aux douleurs dorsales, influencée par son état de santé, sa condition physique et ses habitudes posturales. 

De lourdes conséquences sur le plan humain mais aussi économique 

Les douleurs dorsales sont courantes chez les professionnels de santé vétérinaire et peuvent rapidement devenir chroniques. En moyenne, un arrêt de travail pour ce type d’affection dure environ deux mois, augmentant ainsi le risque de désinsertion professionnelle [1]. 

Leurs répercussions se font sentir à plusieurs niveaux. Sur le plan humain, ces douleurs altèrent la qualité de vie, entraînant stress et démotivation. Lorsqu’un collaborateur est en arrêt ou voit son poste aménagé, le reste de l’équipe doit compenser, ce qui peut engendrer surcharge de travail et tensions internes. 

Sur le plan professionnel, la qualité des soins peut en pâtir : certains actes peuvent être évités par crainte de la douleur, compromettant ainsi une prise en charge efficace de l’animal. L’image de la structure peut également être affectée, tant auprès de la clientèle que des futurs collaborateurs dans un contexte de recrutement déjà difficile. De plus, une douleur chronique modifie la posture et l’attitude du soignant, ce qui peut troubler la communication avec les animaux et compliquer leur prise en charge. 

Enfin, l’impact financier n’est pas négligeable. L’absentéisme engendre des frais de remplacement et réduit la productivité de la clinique, un défi d’autant plus important dans un secteur où la pénurie de personnel est une réalité. 

Si l’entreprise est directement impliquée dans l’identification et la prise en charge de ce risque professionnel au sein de sa structure, il est légitime de se demander quels moyens peuvent également être mis en place par les instances publiques pour contribuer à la lutte contre les dorsalgies au travail. 

Des solutions concrètes pour prévenir le mal de dos 

Afin d’être efficace, la prévention des douleurs dorsales doit être envisagée de manière intégrée. 

1. Évaluer les risques  

La loi impose à toute entreprise la mise en place et l’actualisation régulière du Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP) qui permet d’identifier les points critiques de l’entreprise envers la santé et la sécurité de ses salariés [3]. L’Assurance Maladie, en collaboration avec l’INRS, propose un outil en ligne, gratuit et anonyme, visant à aider les employeurs à mieux évaluer ces risques [4]. Il est par ailleurs conseillé aux chefs d’entreprise de consulter les salariés lors de cette étape afin d’identifier de manière exhaustive les différentes pratiques à risque de leur quotidien. 

2. Informer et former les équipes  

Selon l’article L.4121-1 du Code du travail, l’employeur a l’obligation de sensibiliser ses salariés aux risques professionnels. Former les vétérinaires et les ASV aux bonnes pratiques de manutention et d’ergonomie peut réduire significativement les troubles musculosquelettiques. Il est important de conserver cette habitude, même lors d’arrivée de nouveaux membres de l’équipe. 

3. Investir dans du matériel adapté  

L’aménagement ergonomique des espaces de travail est un levier majeur pour limiter les douleurs. Quelques équipements peuvent faire la différence : tables de consultation réglables en hauteur, brancards à roulettes pour déplacer les animaux sans effort, bureaux assis-debout [5] et chaises ergonomiques [6] pour réduire les tensions musculaires, notamment lors des chirurgies ou des soins bucco-dentaires. 

Des aides financières de l’état existent pour soutenir l’investissement dans du matériel ergonomique qui vise à réduire certains risques professionnels comme le mal de dos. [7] 

4. Encourager la prévention par l’activité physique  

L’intégration d’exercices physiques dans la routine professionnelle, via des applications comme Activ’dos [8], peut également renforcer la musculature et prévenir les douleurs. 

5. Accompagner les collaborateurs en difficulté  

Un accompagnement des collaborateurs souffrant de lombalgie est nécessaire pour favoriser une reprise d’activité progressive et adaptée. Encourager la consultation médicale et aménager les postes de travail sont des mesures essentielles pour garantir le bien-être des équipes. 


Le mal de dos chez les vétérinaires n’est pas une fatalité. En mettant en place des actions de prévention adaptées et en sensibilisant les équipes aux bonnes pratiques, il est possible de limiter son impact. Assurer la santé et le confort des professionnels, c’est aussi garantir la qualité des soins prodigués aux animaux et la pérennité des structures vétérinaires. Adopter dès aujourd’hui une approche proactive permettra de mieux protéger ceux qui prennent soin de nos compagnons au quotidien. 

 

Anne-Sophie Richard, 
Vétérinaire 

 

Ressources documentaires et bibliographiques :

[1] L’assurance Maladie. Lutter contre le mal de dos, une priorité pour les entreprises, [En ligne]. Disponible sur : https://www.ameli.fr/cotes-d-armor/entreprise/sante-travail/risques/mal-dos/en-entreprise [Consulté le : 19 février 2025] ; 

[2] L’assurance Maladie. Cliniques vétérinaires, [En ligne]. Disponible sur : https://www.ameli.fr/cotes-d-armor/entreprise/sante-travail/votre-secteur/commerces-services/veterinaires [Consulté le : 19 février 2025] ; 

[3] L’assurance Maladie. Déclarer et évaluer les risques : le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), [En ligne]. Disponible sur : https://www.ameli.fr/cotes-d-armor/entreprise/sante-travail/prevention/piloter/declarer-evaluer-duer [Consulté le : 19 février 2025] ; 

[4] INRS Santé et Sécurité au travail. Outil d’évaluation des risques professionnels - Vétérinaire, [En ligne]. Disponible sur : https://www.inrs.fr/media.html?refINRS=outil98 [Consulté le : 19 février 2025] ; 

[5] L’Assurance Maladie Risques Professionnels. Comment bien choisir un bureau (assis/debout) qui préserve la santé et la sécurité des utilisateurs ?, [En ligne]. Disponible sur : https://www.ameli.fr/sites/default/files/Documents/Bureau%20%28assis%20debout%29%20CBCM01%20.pdf [Consulté le : 19 février 2025] ; 

[6] L’Assurance Maladie Risques Professionnels. Comment bien choisir une chaise de bureau qui préserve la santé et la sécurité des utilisateurs ?, [En ligne]. Disponible sur : https://www.ameli.fr/sites/default/files/Documents/Chaise%20de%20bureau%20CBCM02.pdf [Consulté le : 19 février 2025] ; 

[7] Ministère de l’économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Prévention des risques professionnels : vous avez droit à des aides, [En ligne]. Disponible sur : https://www.economie.gouv.fr/entreprises/prevention-risques-professionnels-aides# [Consulté le : 19 février 2025] ; 

[8] L’Assurance Maladie. Activ’dos, l’appli pour prévenir votre mal de dos, [En ligne]. Disponible sur : https://www.economie.gouv.fr/entreprises/prevention-risques-professionnels-aides# [Consulté le : 19 février 2025] 

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