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La délégation d’actes vétérinaires aux ASV : ça avance !

Crédit photo @ Yama's Pictures/Clinique Verte
Vous souvenez-vous de notre article « L’échelon 6 pour les auxiliaires vétérinaires : mythe ou réalité ? » Nous vous y expliquions à l’époque, en novembre 2022, que la 1ère étape indispensable à la mise en place de la délégation d’actes vétérinaires était purement législative. En effet, la loi actuelle doit être changée afin de permettre aux auxiliaires vétérinaires de pratiquer légalement certains actes vétérinaires, sous certaines conditions. Et si cette étape était initialement prévue courant 2023, nous vous annoncions en décembre dernier, qu’elle avait pris un peu de retard. Mais nous y sommes ! Cette fois, le véhicule législatif est bel et bien lancé ! On fait le point.

Petit retour en arrière. Si cela fait maintenant de nombreuses années que le sujet de la délégation d’actes vétérinaires aux ASV est dans les tuyaux, il aura fallu attendre 2022 pour que l’idée fasse son chemin au sein de l’écosystème vétérinaire et que tout s’accélère sous la pression croissante de la pénurie de vétérinaires praticiens. Les OPV (Organisations professionnelles vétérinaires telles que l’Ordre national des vétérinaires et le SNVEL) ont alors commencé à dessiner concrètement les grandes lignes de ce projet. L’objectif ? Rendre possible légalement la délégation de certains actes vétérinaires aux auxiliaires vétérinaires à condition que ces derniers justifient d’une formation spécifique et que les actes soient toujours réalisés en présence d’un vétérinaire, sous sa responsabilité (et donc sous couverture de sa responsabilité civile professionnelle), dans l’établissement de soins d’exercice de ce dernier.

Modifier la loi, comment ça se passe ?

Comme Rome ne s’est pas faite en jour, changer une loi prend du temps. En effet, le parcours d’un nouveau texte de loi depuis le besoin de changer un texte législatif (ou de le créer) jusqu’à sa mise en place effective dans le droit français suit plusieurs étapes incompressibles.

À l’origine, deux possibilités. Une loi (ou une modification de loi) peut être proposée à l’initiative du pouvoir exécutif (le Gouvernement via le Premier ministre), on parle alors de « projet de loi ». Seconde option, elle peut émerger à l’initiative d’un membre du Parlement, on parle alors de « proposition de loi ». Le Parlement, dont l’un des rôles est de voter les lois, est constitué de deux chambres : l’Assemblée nationale, où siègent les députés, et le Sénat, où siègent les sénateurs. Premier ministre, sénateurs et députés peuvent donc être à l’origine du dépôt d’un projet ou d’une proposition de loi.

Dans notre cas, la demande de modification du livre II du Code rural et de la pêche maritime et en particulier des articles L. 242-3-1 et L. 243-3 constitue l’article 7 du projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture (n° 2436). En effet, c’est bien la modification de ces 2 articles du Code rural qui devrait ouvrir la loi et permettre aux auxiliaires vétérinaires qualifiés d’effectuer certains actes vétérinaires. Notons, que le sujet de la délégation d’actes vétérinaire a pu être intégré à ce projet de loi au motif qu’elle devrait permettre aux vétérinaires de gagner du temps qu’ils pourront allouer à des actes vétérinaires de plus haute valeur ajoutée, ce qui participera à la préservation du maillage vétérinaire sur le territoire national et indirectement à la préservation de notre système agricole. Pour autant, le Gouvernement évoque aussi dans son étude d’impact, l’importance de revaloriser la profession des auxiliaires vétérinaires et de favoriser son évolution professionnelle. Les intérêts de la profession font donc bien partie du débat.

Le Gouvernement s’est vu présenter ce projet de loi le 3 avril 2024 en Conseil des ministres. Le jour-même, le projet de loi a été déposé par le Gouvernement à l’Assemblée nationale et une procédure accélérée a été engagée.

Le parcours d’un texte législatif suit un certain nombre d’étapes. Dans le cas d’un projet de loi, le parcours est le suivant :

  • le projet de loi est proposé par le Gouvernement ;
  • il arrive à l’Assemblée nationale et est transmis à la commission compétente sur le sujet dans notre cas, la commission des affaires économiques ;
  • les députés membres de la commission désignent un rapporteur, autrement dit une personne référente dont le rôle est d’organiser le travail de la commission ;
  • en commission, les députés vont faire évoluer le texte en adoptant ce que l’on appelle des amendements, à savoir des modifications, des ajouts ou des suppressions de certains articles du projet de loi initial ;
  • une fois adopté en commission, le texte arrive dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale pour une première lecture devant l’ensemble des députés ;
  • après discussion, les amendements sont soumis au vote des députés ;
  • le texte validé par l’Assemblée nationale à l’issue de la première lecture est ensuite transmis au Sénat. Si les sénateurs acceptent le texte sans changement, le Sénat vote « conforme » et le texte est définitivement adopté. Si les sénateurs apportent des modifications, le texte repart ensuite à l’Assemblée. On appelle ces aller-retours entre les deux chambres, la navette parlementaire ;
  • si les deux Assemblées ne parviennent pas à se mettre d’accord, le Gouvernement demande la mise en place d’une commission mixte paritaire, composée de sept députés et de sept sénateurs, qui ont pour mission de trouver un compromis sur les articles restant en discussion. Si cette conciliation échoue, le Gouvernement donne le dernier mot à l’Assemblée nationale ;
  • Une fois le texte définitif validé par les deux chambres du Parlement, le Président de la République a 15 jours pour promulguer la loi. Pendant cette période, le Conseil constitutionnel peut être saisi. Si la loi est jugée conforme à la Constitution, elle est alors publiée au Journal officiel.

À ce stade, le projet de loi qui nous concerne est en attente de sa première lecture à l’Assemblée nationale. Notons qu’avant que le projet de loi ne soit déposé par le Gouvernement, le Conseil d’État avait déjà été consulté pour avis, rendu le 21 mars 2024, et qu’il n’avait émis aucune observation particulière quant à l’article 7 relatif à la délégation d’actes vétérinaires. De plus, à la suite d’une demande par LFI (La France Insoumise) qui estimait l’étude d’impact du Gouvernement insuffisante, le projet de loi a été renvoyé devant le Conseil constitutionnel. Le 22 avril dernier, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme le projet de loi, le parcours législatif va donc pouvoir se poursuivre.

Très concrètement, le projet de loi est actuellement à l’étude par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Le passage en première lecture dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale devrait avoir lieu les semaines du 13 et du 20 mai, puis le passage devant le Sénat devrait avoir lieu autour du 17 juin.

Quels sont les risques lors de ce parcours législatif ?

Comme expliqué ci-dessus, les deux chambres du Parlement peuvent demander des modifications du projet de loi initial. Or, ce passage au Parlement est risqué car l’article 7 pourrait bien être retouché au risque de le voir perdre de son intérêt. Les OPV sont d'ailleurs vigilantes sur ce point.

De plus, une fois la loi promulguée, viendra le temps des arrêtés et décrets d’application de la loi.

En effet, ce que prévoit actuellement le projet de loi dans son article 7 est :

Article 7

Le livre II du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

L’article L. 24231 est complété par un III ainsi rédigé :

« III – Une commission des actes vétérinaires réalisés dans les conditions fixées aux 14° et 15° de l’article L. 2433 est constituée au sein du conseil national de l’ordre des vétérinaires. Elle est notamment consultée sur les demandes d’habilitation des centres de formation. Ses conditions d’organisation et de fonctionnement sont fixées par voie règlementaire. » ;

 

L’article L. 2433 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« 14° Les personnes, inscrites sur une liste tenue par l’ordre des vétérinaires, salariées d’un vétérinaire ou d’une société de vétérinaires habilités à exercer, ou employées d’une école vétérinaire française, qui pratiquent dans un établissement vétérinaire, sous la responsabilité d’au moins un vétérinaire présent dans cet établissement, les actes figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de l’agriculture pour lesquels elles justifient de compétences certifiées par le conseil national de l’ordre des vétérinaires. Cette certification est délivrée aux personnes qui ont suivi une formation adaptée dans une école vétérinaire ou dans un centre de formation habilité par le ministre chargé de l’agriculture sur proposition de la commission mentionnée au III de l’article L. 24231, ainsi qu’aux ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen qui remplissent les conditions requises pour bénéficier de la reconnaissance automatique de leurs qualifications professionnelles. Les modalités d’application du présent alinéa sont définies par décret en Conseil d’État ;

« 15° Les élèves régulièrement inscrits des écoles vétérinaires, ne satisfaisant pas aux conditions prévues par l’article L. 2416 pour être assistant vétérinaire mais ayant atteint un niveau d’études fixé par arrêté du ministre chargé de l’agriculture, salariés d’un vétérinaire ou d’une société de vétérinaires habilités à exercer, qui pratiquent dans un établissement vétérinaire, en dehors des périodes d’assiduité scolaire obligatoire et sous la responsabilité d’au moins un vétérinaire présent dans l’établissement, des actes figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de l’agriculture. »

Autrement dit, pour que la loi soit applicable, restent notamment à définir la liste des actes concernés et les modalités de formation des auxiliaires vétérinaires. Notons au passage que cette délégation d'actes ne concerne pas uniquement les auxiliaires vétérinaires ! Les étudiants vétérinaires n'ayant pas encore obtenu leur diplôme d'études fondamentales vétérinaires (DEFV) et n'ayant donc pas accès au statut d'assistant vétérinaire pourront eux aussi, sous certaines conditions restant à définir, pratiquer certains actes vétérinaires délégables sous la repsonsaibilté du vétérinaire de la structure.

Alors que la loi pourrait bien être promulguée en tout début d’été 2024, la mise en place concrète de la délégation d’actes vétérinaires aux ASV pourrait prendre encore quelques mois. Nous vous en parlions dans nos articles précédents, nous pouvons vraisemblablement envisager une mise en place effective d’ici 2026.

Et si on résumait ?

Essayons d’y voir clair. Ce qu’il faut retenir à ce stade :

  • le temps législatif, première étape indispensable vers la délégation d’actes vétérinaires aux ASV est enfin lancé ;

  • ce temps législatif pourrait aboutir à des modifications de texte du projet de loi, point sur lequel les OPV sont extrêmement vigilantes ;

  • une fois ce temps passé et la loi promulguée, viendra le temps des arrêtés et décrets d’application de la loi qui pourront prendre encore quelques mois avant que la délégation d’actes puissent être effective dans les structures vétérinaires ;

  • concernant les actes délégables, deux niveaux d’actes sont prévus. La liste des actes de premier niveau semble finalisée par les OPV et concernerait des actes simples, non chirurgicaux de type pose de cathéter IV, administration de médicaments, réalisation d’injections, assistance à l’anesthésie et aux soins intensifs… Cette liste devra faire l’objet d’un arrêté ministériel pour être officialisée ;

  • les modalités de formation des auxiliaires vétérinaires leur permettant de réaliser ces actes de niveau 1 sont en cours de réflexion. Un dispositif simplifié devrait permettre aux ASV échelon 5 d’accéder à la délégation d’actes de façon adaptée ;

  • les auxiliaires vétérinaires justifiant de la formation nécessaire à la délégation d’actes vétérinaires devront être inscrits sur une liste tenue par l’Ordre des vétérinaires, un registre national d’aptitude ;

  • cette évolution professionnelle devrait s’accompagner d’une revalorisation salariale sans que pour le moment le montant de celle-ci n’ait été évoqué ;

  • dans un second temps, la délégation d’actes vétérinaires de niveau 2 sera étudiée. Selon l’étude d’impact du Gouvernement, « Une des conditions requises, pour ce second niveau, serait l’acquisition de compétences à l’issue d’une formation dispensée dans les écoles vétérinaires françaises. »


Cette fois c’est sûr, le sujet de la délégation d’actes vétérinaires aux auxiliaires vétérinaires compétents est plus que jamais d’actualité. Et si dans un premier temps, il semble légitime de penser qu’elle ne fera que rendre légal un certain nombre de choses qui se pratiquent déjà au sein des établissements de soins vétérinaires, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une réelle avancée pour la profession. Une fois la pratique de ces actes rendue légale pour les ASV, il n’y aura plus de raison de le taire ce qui devrait vous permettre de faire valoir vos droits notamment en termes de rémunération.

 

Manuelle Hoornaert,
Vétérinaire & Rédactrice en chef

 

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